Ceux qui diffusent une aura

Publié le 11 novembre 2009 par Jlk


Celui qui lit une partition de Schubert debout dans la dernière rame de métro de ce soir de la Toussaint / Celle qui tient son violon comme un enfant au milieu des ouvriers rétamés / Ceux qui cherchent UN livre dans les milliers de librairies du quartier de Kanda et sourient comme au premier matin d’une nouvelle ère quand LA libraire nattée le leur déballe de son enveloppe de papier de soie à consistance d’ailes de libellule / Celui qui se baigne nu dans la vasque d’eau chaude où frémissent les feuilles de cerisier sauvage / Celle qui laisse sa fenêtre ouverte et sa lampe allumée au cas où quelque Roméo passerait cette nuit par la ruelle au pavé tiède / Ceux qui irradient quand ils entonnent la cantilène sacrée / Celui qui rend visite à sa vieille amie aveugle qui devine qu’il s’est fait tout beau rien que pour elle / Celle qui retient le garçon laitier Philidor pour lui becqueter au moins ses joues roses de mec assez recherché des harpistes / Ceux qui écrivent des vers très libres qui scandalisent délicieusement les catéchumènes de la paroisse des Oiseaux / Celui que les cours de philosophie du Dr Friedrich N. ont rendu plus attentif aux choses de la vie les plus simples comme l’odeur de la poire quand on la pèle avec un couteau à manche de bois dur / Celle qui resplendit depuis que le jeune trompette de la fanfare Les Mutins la lutine / Ceux qui aiment regarder les chiens sans colliers qu’ils recueillent dormir en soupirant comme des bienheureux / Celui qui se console d’une enfance dure et d’un veuvage encore plus dur en s’adonnant à la peinture sur porcelaine àl'écoute des confessions touchantes de la Ligne de Coeur / Celle qui prie Sainte Marie Madeleine Pécheresse de lui consentir un petit retour de libido / Ceux qui estiment que les seins des ambassadrices peuvent être de bons ambassadeurs dans certains pays / Celui que son premier poème imprimé dans une revue norvégienne remplit d’une joie printanière / Celle que pourrait avoir peinte un Vermeer dans ce coin de ZUP qu’elle transfigure en se coiffant de ses doigts de princesse de terrain vague / Ceux qui marchent lentement dans les allées ocellées de lumière sous-marine de la Forêt des Sources, etc.

Peinture. Thierry Vernet. Venise, café Florian, huile sur toile.