Le mythe de Strauss

Publié le 12 novembre 2009 par La Bienveillante @Ema_Dellorto

Je continue cranement ma comparaison entre MJ et CLS.

A la mort de Jackson, Michael, j'ai pensé qu'il partait au bon moment. Et que Lévi Strauss avait trop attendu. Je ne parle pas de leur personne de chair, aimée, mais de leur personne publique, virtuelle, irréelle, holographique.

"Quelques-uns meurent trop tôt, quelques autres trop tard. Meurs à temps. C'est ce qu'enseigne Zarathoustra »

M.J. n'avait pas été suffisamment oublié pour que sa mort ne soit pas explosive. Avant son décès, personne ne s'enthousiasmait à l'idée de son retour sur scène. Après, nous avons tous eu le sentiment que nous avions été prêt à nous endetter sur 5 ans pour obtenir une place.

Personnellement, j'aurais pu me contenter d'une simple soirée d'hommage sur France 5 comme pour Claude L. S.

La déferlante médiatique a réveillé mon intérêt pour Monsieur Jackson et je ne l'ai pas regretté. Cela m'a permis d'oublier l'image de bonhomme maléfique que je lui associais et de REVENIR AUX FONDAMENTAUX, sa musique.

L'engouement pour M.J. a été porté par le réveil de ses fans alors cryogénisés. Comme si leurs pleurs avaient hydraté nos souvenirs lyophilisés des sons inventés par Michael. La dégustation de ces morceaux ressucités fut délicieuse.

Cela ne se passe pas ainsi pour Claude Lévi Strauss. Evidemment, les nécros sont fournies, déjà écrites depuis des décennies. Les journalistes n'ont pas été pris de court, le dossier "mort de C.L.S." était au pire un peu jauni. Mais les fans se sont résolus à sa mort depuis longtemps. Sclérosés, ils ne nous proposent pas de nous retrouver au Musée du Quai Branly pour une veillée. Spontanément, nous regrettons sa perte, certes, mais ravalons nos larmes (sauf les vraies sensibles).

Cela s'explique. Michael Jackson était un mythe. Claude Lévi Strauss les étudiait (il y a ceux qui agissent et ceux qui commentent).

Que sont-ils, les mythes ? La théorie de Strauss expliquée par Pierre-Henri Tavoillot est lumineuse. Je cite :

"La fonction principale des mythes est de raconter et de mettre en scène la différence entre la nature et la culture...

 

... Le message mythologique n'est plus du tout anecdotique ou seulement pittoresque; il est essentiel, voire vital: la vie humaine et sociale doit se préserver de deux dangers également menaçants: celui d'une nature sans culture (où tout serait voué au pourrissement) et celui d'une culture sans nature (où les ressources se tariraient ou brûleraient du feu de la technique)".

Voilà pourquoi Lévi Strauss l'air de rien nous a permis de cesser de voir les non-européens comme des idiots : selon lui, toutes les sociétés, modernes ou anciennes, ont besoin de mythes pour comprendre, penser, ce rapport entre nature et culture. Nous, on le fait avec Michael Jackson. Les autres, ils le font avec autre chose. Pour ce que ça change...