Des écrits pour l'emploi

Publié le 13 novembre 2009 par Brunoh

Mon ami Philippe WINTER a lancé, au mois d'octobre dernier, une publication mensuelle, intitulée l'offre d'emploi.
Relayée par un site Internet, elle permet aux personnes à la recherche d'un travail de diffuser, pour une somme modique, leur annonce à plus de 150 000 exemplaires.
De leur côté, les entreprises ont la possibilité, grâce à ce support, d'optimiser leurs recrutements.
Philippe m'a demandé, pour son numéro de Novembre, d'apporter ma contribution.
Après y avoir profondément réfléchi, je me suis dit qu'un édito économique serait trop rébarbatif, trop attendu également...
J'ai donc eu l'idée de rédiger une mini-nouvelle, sur le thème de la recherche d'emploi.
Ainsi, chaque mois, je raconterai dans "L'offre d'emploi" une histoire différente, que je relayerai en avant-première dans ce blog.
Tout simplement parce que, au-delà des données macro-économiques, la recherche d’emploi constitue, avant tout, l’histoire personnelle de millions de femmes et d’hommes… La vôtre, peut-être ?
« - Et vous, qu’est-ce que vous faites, dans la vie ? »
La question a fusé, au détour de la conversation.
Comme une banalité. On aurait tout aussi bien pu lui demander, sur le même ton, quel était son film préféré ou le prénom de ses enfants.
Impossible de répondre « rien ».
Rien. Le néant total. Celui qui fait de vous le néandertalien. Le has been.
Celui qu’on évite, de crainte qu’il ne soit contagieux.
Rien. Les quatre lettres qui annulent tout.
Qui vous annihilent aux yeux de la société des « actifs ». Tout un vocabulaire à revoir.
Et, en attendant, des mots à réinventer.
Il a répondu « Je cherche ».
« - Ah ? Vous êtes chercheur ? »
« - Oui, en quelque sorte : je cherche un langage qui permettrait de faire comprendre à ceux qui ont tout, que rien n’est pas une insulte, pas même un statut. »
Travailler. Travailler plus. Pour gagner quoi ?
Une simple question, posée avec le mauvais verbe. 
Avoir n’a rien d’essentiel. Être est la seule solution pour participer au présent.
Pour ne pas devenir l’auxiliaire de sa propre conjugaison. Un simple participe passé.
« - Je cherche la possibilité de rester debout, de conserver mon identité, de voir dans le regard de l’autre autre chose que le reflet de sa médiocrité, de sa peur de sombrer. Travailler pour pouvoir dire. Dire ce que l’on fait, ce que l’on est et, accessoirement, pour avoir de quoi poursuivre ce bout de chemin avec vous. »
L’autre s’est tu.
A-t-il compris que les questions banales sont devenues, depuis quelque temps, de moins en moins anodines ?
Que la violence commence lorsque l’altérité se transforme en autorité.
Autorité morale ou politique, comme si celui qui cherche avait besoin d’un jugement théologique ou social…
Parfois, l’altérité se transforme aussi en altercation.
Les mots deviennent désespérément fluides.
Peut-être parce qu’on essaye de les vider de leur sens.
D’en faire s’écouler le signifiant, s’écrouler le signifié.
De mettre un point final à toutes ces virgules qui encombrent, qui gênent à cause de leur nombre.
Le nombre. Qu’il soit avant ou après la virgule, il n’a rien de rassurant.
Les statiques statistiques étatiques n’ont plus rien d’authentique.
C’est justement parce qu’il ne veut plus être considéré comme un numéro qu’il a décidé de ne compter que sur lui-même.
Quatre lettres. Et six chiffres. Ceux de son inscription au « Pôle ».
À l’appel de son nom, il repose le journal dans le présentoir.
À présent, c’est son tour.