Magazine Journal intime

21ème siècle, re-dessiner La Carte du Tendre

Publié le 15 novembre 2009 par Araucaria
ciel d'hiver par Gradisca Victoria
Photo trouvée sur le net
"Je vais essayer de tenter quelque chose, moi qui ai eu pendant longtemps peur de la rupture : ce n'est certainement pas par hasard que mes anciens amants sont tous restés mes meilleurs amis et que j'ai mis plus de vingt ans à quitter ma langue maternelle et commencé à écrire en français. Si j'écris sur la rupture, si j'ai perdu mon texte initial, si je dois recommencer, autant y aller franchement et faire une vraie rupture : un texte qui tranche, qui invente, qui fait exploser une forme rigide, qui s'ouvre aux autres." B. S.
J'ai senti la mort se glisser en moi. La mort s'annonce, elle prévient et s'excuse presque de prendre des formes inattendues. La mort, la mienne, ne vient pas secrètement comme une voleuse. La perspective de la mort, une sensation de froid au bout des doigts, une arythmie cardiaque incontrôlable, la vue qui vacille, une peur d'aller dormir, la terreur de demeurer éveillé.
La mort s'est glissée en moi par internet. On n'attend jamais de grandes nouvelles en ouvrant ses courriels. Des invitations, des saluts d'amis lointains, des communiqués, des offres de loteries, de millions proposés par des Africains assez cons pour croire que je vais leur envoyer dix mille dollars pour les aider à retrouver l'héritage de leur père qui a laissé quinze millions? La mort est plus subtile, c'est un cancer qui s'annonce, un courriel qui dit : "Je te quitte."
(...)
Elle s'assied sur le canapé du salon et regarde par la fenêtre. Le ciel est mouvant, mauvais. Il doit faire froid, surtout avec ce petit vent nerveux qui siffle devant la fenêtre. On est encore en hiver, c'est normal. Le printemps n'est pas pour demain. Si, il y a une chose qu'elle peut faire, pense-t-elle soudain, comme si le mot "printemps" lui en avait soufflé l'idée : elle peut relire ses SMS.
Oui, elle va faire ça, se dit-elle en se levant et en allant voir sur son bureau. Elle a toujours aimé ce qu'il lui écrivait. Les petits textes brefs, très bien écrits, parfois excessifs, lyriques, un peu allumés... surtout venant de la part d'un homme sérieux, mesuré, timide et somme toute assez compliqué. C'est peut-être ça qui lui a plu chez lui? Ses SMS qu'il envoyait par paquets, six, sept, voire plus par jour? Depuis qu'elle le connaît - un an bientôt - il n'y a pas eu un seul jour où elle n'a pas reçu un "bonjour, mon amour, bien dormi?" ou "t'enlace toute au réveil" de sa part. Si le matin, en allumant son portable, elle n'avait pas trouvé un de ses petits mots tendres, elle s'affolait, pensant qu'il lui était arrivé quelque chose, un accident de voiture, un accident tout court.
Est-ce donc ça qu'elle aime chez lui? Ces textes brefs et incisifs qui savent si bien, en deux, trois traits de crayon, décrire un ciel, une flaque d'eau sur le pavé désert, un halo de bruine, une paroi de montagne... Ou dire l'impatience du désir, l'envie de la prendre et de s'engloutir en elle, la hâte de sa peau, de son rire, de son odeur, de sa bouche, de ses seins, de ses lèvres... Ou bien simplement déclarer qu'il l'aime, qu'elle est la clé de sa beauté et qu'il est heureux.
Ou bien est-ce son visage, ses grands yeux d'un bleu perçant, changeant, tantôt ciel, tantôt glace? Sa belle bouche, sérieuse, gourmande, frémissante? Son corps chaud et délicat ressemblant aux corps des héros antiques sur les tableaux du dix-huitième? Son sexe, encore plus délicat, doux et tyrannique que tout le reste? Son odeur qui se mélange si bien à la sienne?
Ou bien ce sont ses baisers, le premier surtout : ils ont mis une petite éternité à s'embrasser, à se retrouver soudain, pleinement et totalement, dans un endroit aussi radicalement étranger que la bouche de l'autre?
Ou sa façon de lui faire l'amour, par moments maladroite et inquiète, mais encore heureux, on est toujours amateur dans l'amour physique, n'est-ce pas?
Ou bien son allure d'homme peu assuré, hésitant entre sa féminité et sa masculinité, entre son lyrisme et son versant sombre, entre son manque de conformisme et le conformisme tout de même?
Qu'est-ce qu'on aime chez un homme, en fait, se demande-t-elle devant son bureau, cherchant le petit carnet où elle a recopié ses SMS...
Petit éloge de la rupture - Brina Svit - Folio n° 4961

En attendant, grand merci à l'informatique, à la technologie, qui grâce aux mails, SMS, etc, etc... ont contribué à une grande avancée : La cybersexualité, nouvelle forme de l'adultère! (*)
Pomme C
J'ai son image
J'ai son email
Son coeur au bout du clavier
J'ai son visage
Et l'envie d'elle
Sans jamais l'avoir touchée
Dois je sauver ?
Ou bien abandonner ?
Pomme, c'est un homme et une femme
Et c'est tout un programme
Un ciel artificiel
Pomme, qui m'allume et qui me quitte
On s'aime trop vite
Nos vies c'est le virtuel
Elle m'écrit
Mais mon écran
formate les sentiments
Mais j'imagine qu'une machine
Ne peut que faire semblant
Ma déesse Elle
N'est pas vraiment réelle
Pomme, c'est un homme et une femme
Et c'est tout un programme
Un ciel artificiel
Pomme, qui m'allume et qui me quitte
On s'aime trop vite
C'est le vi-c'est le virtuel.
Un peu d'amour, copié-collé
Un peu d'amour, pomme c
Un peu d'amour téléchargé
Un peu d'amour à sauver. à sauver.
Mais l'amour n'est pas virtuel.
Pomme, c'est un homme et une femme
Et c'est tout un programme
Un ciel artificiel
Pomme, qui m'allume et qui me quitte
On s'aime trop vite
C'est le vi-c'est le virtuel.
Dois je sauver
ou bien dois je abandonner ?
Calogero

(*) Cette cybersexualité a concerné d'abord les 35-45 ans, c'est-à-dire des gens déjà installés, un peu fatigués de la vie conjugale, ayant envie d'autre chose. (...)
Cette infidélité peut prendre des formes variées et parfois insoupçonnées qui mettent en danger le couple. Ce phénomène a été étudié par l'Office britannique des statistiques, selon lequel internet est un des facteurs d'augmentation du nombre de divorces.
Du chat sexuel avec des inconnu(e)s aux forums de discussion, des gadgets pour rendre plus érotique l'ordinateur aux expériences de changement virtuel de sexe et du visio-chat jusqu'aux rencontres dans la vraie vie, l'éventail est large. (extrait d'un article paru dans Corse-Matin, d'après une interview de Yannick Châtelain et Loïck Roche auteurs de "In bed with the web"
Alors???
Alors tout ceci n'est pas sans danger pour tout couple si on s'en réfère à l'article ci-dessus et aussi à ce qu'écrit Aldo Naouri dans son livre "Adultères", à savoir :
"...Le couple ne tolère aucune altération de ce qui s'est noué en lui ni aucune remise en question de la forme qu'il a prise. Chacun des partenaires est en principe vigilant, à sa propre manière et selon ses propres critères, à cette dimension à la relation. Qu'une menace surgisse, réelle ou fantasmée, c'est, en effet le dispositif tout entier qui s'écroule, ôtant aux protagonistes tout sens de la mesure et les faisant verser dans la tragédie.
(...)
On voudrait aujourd'hui que les partenaires d'un couple soient unis jusque dans la complicité et qu'ils n'hésitent pas plus à se parler de leur sexualité qu'à se confier leurs fantasmes et, pourquoi pas éventuellement, leurs passages à l'acte - les clubs échangistes, qui ont parfois la faveur de la presse, ne sont-ils pas là pour témoigner qu'une telle possibilité n'est pas à exclure et qu'elle serait même souvent salutaire! Voilà, là encore, un ensemble de fantasmes auxquels les médias friands de nouvelles à sensations, ont donné un statut que dément toujours douloureusement la réalité. Car je n'ai jamais rencontré dans ma carrière de couples susceptibles de s'y inscrire. Et je n'ai jamais vu une infidélité réelle ou un fantasme d'infidélité qui n'aient pas produit de considérables dégâts." Aldo Naouri - Adultères - Odile Jacob n° 192

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