Elle lui avait dit « Je t’attendrai au logis des moines ». Il avait trouvé l’idée saugrenue pour une première rencontre mais il s’était plié à son désir. Quand il vit l’enseigne, il réprima un geste nerveux, les moines et leur tonsure lui rappelaient invariablement le petit séminaire qu'il n'avait que trop tardé à quitter. Elle l’attendait, souriante, dans un ensemble mauve qu’il ne lui avait jamais vu auparavant.
Dans la cage d’escalier aux couleurs fanées, il sentit son cœur battre follement. Elle était là, pour lui et il allait enfin, pour la première fois depuis huit mois de cour assidue, goûter au fruit défendu. Sa tête commençait à tourner en suivant le mouvement de ses jambes dans l’escalier, elles étaient beaucoup trop belles pour lui, les méritait-il ? Quand elle ouvrit la porte de la chambre, il chancela légèrement et lorsqu’elle se retourna pour l’embrasser, il s’évanouit.
C’est elle qui le ranima en lui donnant quelques gifles.
- Ça va mieux ? S’inquiéta-t-elle.
Il allait lui répondre mais le visage du père Jean se superposa au visage de la jeune femme. Il s’approchait très près de lui, si près qu’il sentait son odeur écoeurante :
- Est-ce que tu as eu de mauvaises pensées Alexandre ?
Et lui s’empressait de répondre que oui ; il savait que le père Jean aimait l’entendre dire qu’il avait eu de mauvaises pensées… Soudain le visage de la jeune femme réapparut et il lui fit cette confession étrange qu’elle ne comprit pas :
- Je hais les curés.
* texte écrit à partir de cette photo gentiment prêtée par Pierrick.