Magazine Humeur

Se convertir à la passion missionnaire

Publié le 18 novembre 2009 par Fbruno

La passion missionnaire de l'annonce du Christ.

Notre vie physique peut-être, mais certainement notre vie spirituelle à nous prêtres, n'a jamais été aussi stressante qu'aujourd'hui. Dans le passé, pour ceux qui ont dépassé les soixante-dix ans, nous avions nos difficultés et nos tentations, mais c'était encore le temps des certitudes sur le plan de la foi et de notre fidélité à l'Eglise. Le monde moderne, au contraire, nous bombarde de mille nouvelles, propositions, hypothèses, avis divers, expériences, théories nouvelles, débats, distractions, attractions télévisuelles : nous vivons plus distraits qu'autrefois, mais aussi avec trop d'engagements qui nous tourmentent et tout est devenu plus difficile. Notre vie sacerdotale, au lieu d'être concentration, consécration, risque de devenir une dispersion qui nous conduit à être superficiels en tout.

Le moteur de la mission, c'est l'amour du Christ

Depuis trente ans et plus la CEI (Conférence épiscopale italienne) et les évêques italiens insistent souvent pour dire : chaque prêtre est « missionnaire », en Italie la pastorale doit devenir « missionnaire » ou, comme le disait le Cardinal Anastasio Ballestrero au Congrès de l'Eglise italienne à Lorette en 1985, « notre peuple chrétien ré-évangélise avec un esprit et une méthode missionnaires ». Pourquoi cet emploi fréquent des termes « mission » et « missionnaire », il y a encore cinquante ans, étaient-ils utilisés seulement pour les missionnaires qui partaient vers des continents lointains ? Est-ce seulement parce que la société italienne est décadente spirituellement et moralement jusqu'à être considérée parfois comme « païenne » ? Oui, tout ceci est en partie vrai, mais je crois que le motif est autre.

La vie en Italie ne peut pas se définir comme « païenne », parce que le monde non chrétien est certainement beaucoup, mais beaucoup plus inhumain que le nôtre dans tous les sens : les peuples des autres cultures, en effet, voudraient bien venir vivre dans les pays chrétiens. Deux mille ans de christianisme ne se sont pas écoulés en vain. A contrario, nous vivons dans une société relativiste- une religion en vaut une autre- sécularisée- vivre « comme si Dieu n'existait pas »- et matérialiste- l'idéal d'aujourd'hui c'est l'argent.

Pour être fidèle à sa vocation, le prêtre diocésain doit se convertir à la « passion missionnaire » d'annoncer et témoigner aux hommes de l'unique richesse que nous possédons et dont nous avons tant besoin : le Seigneur Jésus !

Dans les Instituts missionnaires, quand les jeunes missionnaires partent pour la mission qui leur est confiée (on part « pour ne plus revenir » et c'est encore l'idéal), ils reçoivent un crucifix et le célébrant lit la formule de l'envoi : « Voici, mon fils, le crucifix compagnon inséparable de tes pérégrinations apostoliques, voici le réconfort indéfectible dans la vie, comme dans la mort ».

Aujourd'hui encore le missionnaire garde précieusement ce crucifix, qui n'a rien d'extraordinaire, mais c'est le sien et il l'emporte partout où il va, il prie devant lui, le contemple pour trouver sérénité et réconfort. En visitant les missions il m'est arrivé, quelquefois, de rencontrer des missionnaires âgés et malades qui, sur leur lit de mort, serrent sur leur cœur leur crucifix, et demandent à être enterrés avec ce crucifix sur la poitrine.

Le moteur de notre mission c'est l'amour du Christ, la consécration de notre vie à la mission du Christ et de l'Eglise. Aujourd'hui spécialement, être prêtre demande d'avoir de grands horizons et de nourrir de grands idéaux ; entre autres, celui de la sainteté, celui du don de sa vie pour les âmes, de missionnaire de l'universalité, et enfin de n'avoir qu'un seul but dans l'existence : témoigner et annoncer le Seigneur Jésus. Nous sommes tous petits, pauvres, faibles pêcheurs, mais gare à nous si nous nous mettons nous mêmes au centre de notre vie, en nous lamentant de nos malheurs, des incompréhensions, nous reprochant continuellement nos défauts et péchés, attribuant aux autres nos supposés échecs, exprimant en nos personnes pessimisme et découragement. Nous ne pouvons plus annoncer la joie d'avoir trouvé le Christ, le Sauveur.

Les psychologues disent que les personnes trop repliées sur elles-mêmes, trop « pleines d'elles-mêmes », ne sont jamais contentes. Tous les matins, spécialement pour moi, prêtre, une vie nouvelle commence : la conversion à la mission part toujours de l'intérieur de moi-même, revenant à l'origine de mon appel au sacerdoce. Combien de saints prêtres ai-je rencontrés dans ma vie auxquels on pouvait appliquer les paroles de Saint Pierre : « vous en tressaillez de joie, même s'il vous faut pendant quelques temps être affligés par diverses épreuves » (I Pierre 1,6)

Mon âme exalte le Seigneur

En entrant dans un monastère bénédictin pour réfléchir sur ma vie spirituelle de prêtre, je trouve écrit sur la porte d'entrée : « Paix ». Voici la clé pour me concentrer dans le silence et le secret de ma cellule, celle du cœur et celle de l'esprit, dans laquelle mûrissent toutes mes pensées, affections, décisions, œuvres. La paix signifie faire le silence et retrouver le calme et l'honnêteté d'imiter Jésus qui m'a appelé à le suivre dans la consécration sacerdotale et missionnaire, aussi absorbante que pleine de joie, que réalise toute ma petite personne.

Je me rappelle quand je suis devenu prêtre (le 28 juin 1953, et qui sait à combien d'autres c'est arrivé !) et quand j'ai célébré ma première messe dans mon village natal, Tronzano Vercellese. J'étais si enthousiaste et ému d'avoir atteint l'idéal de ma jeunesse, que je pleurais et arrivais à peine à continuer de célébrer.

Tous les jours, avant de célébrer la Sainte Messe, nous devons demander à Jésus et Marie de retrouver cet enthousiasme et cette émotion, la joie profonde et intime de notre première messe, en pensant que le Seigneur pendant toutes ces années a gardé ma foi et la fidélité à ma vocation, malgré mes infidélités, mes faiblesses et mes péchés.

Mon grand Frère, le bienheureux Père Paolo Manna, fondateur de l'Union Pontificale missionnaire pour le clergé et les religieux, écrivait aux missionnaires du Pime : « les prêtres médiocres nous desservent. Aujourd'hui nous avons besoin de saints prêtres ». Voilà le défi auquel nous devons faire face, chers amis prêtres. Que faire ? il n'y a aucun doute : ne nous renfermons pas dans le train train de la vie de routine mais nourrissons toujours de grands idéaux et avant tout celui de nous éprendre profondément de Jésus-Christ qui nous a appelé à le suivre.

Jésus, le Christ, n'est pas seulement le Verbe de Dieu en qui nous devons croire, à approfondir intellectuellement, à annoncer et expliquer à celui qui nous écoute : il est une personne à aimer, le Fils du Père éternel qui s'est fait homme pour nous sauver. La foi comprise dans le sens intellectuel ne suffit plus aujourd'hui. Il faut la passion pour le Christ, l'enthousiasme de l'annonce de l'Evangile. Nous devons avoir, nous prêtres, la conscience de notre grandeur parce que nous sommes appelés à de grandes entreprises et aventures de la foi : « Mon âme exalte le Seigneur ! » De là naît la mission et l'enthousiasme missionnaire.

L'esprit allume en nous le feu de la mission

Il y a deux ans, j'ai visité le Bornéo malais, où les fameux « dayak » (les « coupeurs de tête » de Salgari) sortent des forêts et du temps préhistorique : en entrant dans le monde moderne, ils rencontrent le Christ et se convertissent à Lui. L'évêque de Keningau, Monseigneur Cornélius Piong, me disait : « dans mon diocèse nous avons très peu de prêtres (11), beaucoup de baptisés (92 000) et quelques milliers de baptêmes d'adultes par an, qui viennent des nouveaux chrétiens, lesquels, en rencontrant le Christ, expérimentent la beauté de la foi chrétienne, et la révolution bénéfique qu'Il apporte dans la vie personnelle, des familles et des villages. Quand ils se convertissent, ils s'éprennent du Christ et courent spontanément pour parler de Lui. Ils sont encore au premier stade dans la connaissance des mystères de la foi, je ne sais pas quels messages ils transmettent. Mais comment faire pour les suivre et les instruire tous ? Je me confie à l'Esprit Saint. En tant qu'évêque, ma préoccupation est de les éduquer, de leur donner des contenus sûrs à leur enthousiasme, mais ils sont spontanément missionnaires et vraiment la conviction qu'ils montrent en parlant du Christ touche et convertit les cœurs ».

La passion missionnaire de notre vie sacerdotale naît de l'intérieur et du « feu de la mission » que l'Esprit allume dans notre cœur, quand, avec sincérité et générosité nous nous donnons totalement à Lui pour qu'Il transforme notre cœur, actualisant en nous l'avènement historique du Christ, le rendant actuel, visible et disponible à tous ceux avec qui nous entrons en contact. Le cardinal Carlo Maria Martini disait dans un de ses discours que « les saints sont l'Evangile vécu aujourd'hui ». Voilà pourquoi Jean Paul II a donné une impulsion puissante pour que se multiplient des bienheureux et des saints dans l'Eglise : pour présenter à tous les peuples et à toutes les catégories de personnes des « Evangiles vivant » qui rendent actuel et crédible l'Evangile de Jésus. Voilà pourquoi le même Pape a écrit dans l'encyclique missionnaire « Redemptoris Missio » (1990) : « le vrai missionnaire c'est le saint ; et il ajoutait : « la spiritualité missionnaire de l'Eglise est un chemin vers la sainteté. L'impulsion renouvelée envers la mission dans le monde exige des missionnaires qui soient des saints » (n.90)

Père Piero Gheddo, PIME Directeur du Bureau historique de l'Institut Pontifical des Missions Etrangères.


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