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16 - En sursis

Publié le 09 août 2007 par Basile
16 - En sursisLa pièce était sombre. Les murs lézardés étaient d'un vert glauque et délavé. Le plafond cloqué laissait pendre dangereusement de larges pans de peinture poussiéreuse. Les stores masquaient à peine les faibles rayons du soleil de printemps. Tel un disc jockey sous Lexomil, des appareils électroniques déversaient dans la pièce une suite de bips stridents et syncopés.
Quand elle reprit connaissance, Sally ne comprit pas tout de suite où elle se trouvait. Perdue, sans aucun repère, ses sens étaient encore engourdis. D'où venait cette douleur irradiant l'intérieur de son crâne? Et surtout, pourquoi ne pouvait-elle pas bouger?!? Ses pieds ne répondaient plus et ses bras semblaient s'enfoncer dans le matelas du lit métallique sur lequel elle était étendue. Maintenu par une sorte de minerve en plastique, son cou la faisait terriblement souffrir.
Un homme en blouse blanche pénétra doucement dans la pièce. Il fouilla sur la table de chevet. Des clés, des cigarettes, un papier griffonné SK - RDV dimanche 26 mai 21 H, et ce qu'il cherchait: les derniers résultats d'analyses hématologiques. Malgré la gravité de la chute, les constantes de sa patiente étaient très bonnes. Sally ne pouvait pas voir son visiteur, mais lorsqu'il s'approcha d'elle, c'est son haleine fétide qu'elle sentit en premier. Ses deux petits yeux rapprochés lui faisaient penser à une fouine. Sa barbe éparse et ses dents déchaussées et noires ne faisait qu'accentuer le côté rongeur de son visage.
"Bonjour mademoiselle, je m'appelle Oliver Peekone, je suis médecin. Vous êtes actuellement en salle de réveil à l'hôpital Bichat. Le SAMU vous a héliportée en urgence ce matin suite à une chute de 6 étages... Vous seriez tombée du..."
Dans un nuage de coton, Sally se rappelait peu à peu des évènements qui avaient dû la conduire ici. Une voiture noire, décapotable. Elle était surveillée, suivie nuit et jour. La photo! Elle devait se rendre à l'appartement de Steve Keller pour lui donner le sac. Elle n'avait jusque là jamais rencontré le fils adoptif de sa mère biologique. La DASS lui avait toujours dit qu'elle était morte en la mettant au monde... Tout cela n'avait aucun sens... Trop de zones d'ombre... Les souvenirs lui revenaient difficilement... Et ce vieux russe qui l'avait invitée à dîner peu avant Noël... Tout avait commencé à ce moment là...
Tête de fouine la sortit de ses pensées, "je ne sais pas ce qu'il s'est passé, mais vous avez tout de même de la chance. Si vous n'êtes pas croyante, c'est le moment d'entrer dans les ordres... Il semblerait que votre chute ait été amortie par un store sur l'un des derniers balcons. Il paraît même que les ouvriers venaient de l'installer il y a une semaine. Par contre, vous avez perdu connaissance et aussi beaucoup de sang."
"Et mes jambes? Mes bras? Pourquoi je ne peux plus bouger?", voulait hurler Sally. Mais ces mots restèrent désespérément au fond de sa gorge.

"Je suis navré mademoiselle, nous avons dû pratiquer une trachéotomie, vos cordes vocales ont été touchées, j'ai bien peur que vous ne puissiez plus parler... Nous allons vous faire un scan..."

Submergée par le choc et la douleur, elle s'évanouit à nouveau...
A l'accueil de l'hôpital, l'hôtesse indiquait la chambre 423 aux flics recherchant la "fille de l'air". Les ambulanciers apportaient déjà un nouveau brancard sanguinolent lorsqu'elle vit le gros inspecteur moustachu et sa belle coéquipière entrer dans l'ascenseur...

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