Elle avait 16 ans lorsqu'elle rencontra Vladimir, un jeune homme mystérieux d'origine russe. Cette histoire d'un soir se transforma en réel cauchemar pour Sue. Neuf mois plus tard, elle se retrouvait seule pour accoucher dans la douleur d'une petite fille, au pied de l'Eglise d'Alésia. Trop jeune à l'époque et surtout dans l'incapacité la plus totale de subvenir aux besoins de sa fille et d'elle même, elle s'était résignée à l'abandonner à la DASS. Ce fût une vraie déchirure pour elle, et cette séparation fut suivie d'une longue période de dépression.
Sue ne doit son salut qu'à l'apparition d'un autre homme dans sa vie, John Keller, un jeune Allemand venu travailler et s'installer en France. John était un peu plus âgé que Sue. Il avait toujours prétendu travailler pour Siemens, mais la réalité était bien différente... Mais ça, Sue ne le sut jamais.
Au fil des années, ils avaient appris à se connaître, à s'apprécier et à partager des bons moments ensemble. Très vite, les deux amis qu'ils étaient devinrent amants. John fit une demande en mariage dans les règles de l'art. Le bébé tant attendu qui ne vint jamais raviva la blessure antérieure de Sue. Un long travail sur elle même, à coup de séances de psy, finit par la convaincre qu'elle n'aurait plus jamais d'enfant. Quand la solution de l'adoption fut proposée au couple Keller, Sue pensa que ce pourrait être un bon moyen de réparer, comme elle le considère aujourd'hui, son erreur du passé. C'est John qui s'occupa de toutes les démarches.
Steve leur fut confié très rapidement. Le bonheur effaça toutes les interrogations de Suelen : elle venait d'avoir un fils...
Tout se passait pour le mieux du monde pour elle jusqu'à ce que Steve entreprenne ses recherches sur ses parents biologiques. Ce fut John qui eut la réaction la plus violente. Ce fut sans doute à l'origine de la rupture du couple Keller. Quelques mois plus tard, Suelen perdit tout contact avec John, et Steve, devenu indépendant et très affecté par la séparation, s'était lui aussi éloigné d'elle. C'est à ce moment qu'elle entreprit ses recherches pour retrouver sa fille. Avec l'aide d'amis bien placés, sa démarche ne fut pas longue. Très vite, Sue put mettre un nom et un visage sur sa fille, celle qu'elle avait abandonnée une trentaine d'années plus tôt.
C'est par l'intermédiaire de Paul que Sue avait encore des nouvelles de son fils adoptif. Lorsqu'il était plus jeune, Paul, en tant que meilleur ami de Steve, passait énormément de temps au domicile des Keller. C'était même devenu sa deuxième maison. Avec le temps, Paul était resté très proche de Sue, à tel point qu'il était même devenu son confident. Il était peut-être le seul, avec John Keller, à connaître l'existence de sa fille.
Sue regardait un épisode de "Desperate Housewives" lorsque son téléphone sonna. C'était Paul. Ce qu'il lui rapporta lui glaça le sang. Elle était comme pétrifiée, incapable de bouger ne serait-ce qu'un doigt:
-"Sally... Morte..."
Paul avait peut-être commencé un peu fort. Sue se recroquevillait dans son fauteuil à l'écoute des paroles de Paul, qui détaillait point par point le contenu de son entretien avec Steve :
-"Steve a de gros ennuis. Je passe chez lui chercher le sac, il faut que je fasse vite. On fait comme on a dit. Je te laisse... Je suis désolé pour Sally..."
Sue raccrocha sans dire un mot. Elle venait de revoir défiler ses trente-cinq dernières années en trente secondes. L'annonce de la mort de Sally l'avait toute retournée et avait creusé de profonds sillons sur son visage légèrement amaigri. Depuis peu, Sue se savait rongée pas la maladie. Les séances de chimiothérapie qu'elle suivait de manière plus ou moins assidue, commencaient à l'affaiblir considérablement...