Un rapide coup d’œil. Tout est bien en place. Les feux de la cuisinière sont éteints, la chatte ne s’est pas sauvée, les fenêtres sont closes, l’ordinateur est fermé...
Tout le monde en a des manies. Alors, pourquoi sa blonde lui a-t-elle dit hier après-midi qu’il pouvait souffrir de la maladie du doute ? D’accord, il vérifie plus que la normale. Mais il n’y a pas de quoi fouetter un chat. Après tout, c’est juste qu’il est davantage conscient qu’un oubli peut avoir des conséquences majeures. D’ailleurs, qui ne vérifie pas deux fois plutôt qu’une que sa porte d’entrée est bel et bien verrouillée quand il part en vacances ? À chacun sa marotte, se dit-il. Sa jeune donzelle, après avoir utilisé les toilettes publiques, se lave bien toujours consciencieusement les mains, voire frénétiquement.
Patrice Gagné saisit son enveloppe, l’ouvre : tout est à sa place. Le feuillet d’inscription, le chèque. Tout y est. Mais pourtant, il reste dans l’incertitude qu’une erreur a peut-être été commise. Est-ce que toutes les informations y sont correctes ? Est-ce qu’il a inscrit le bon montant ? Ce doute l’amène à répéter et répéter des gestes dans un ordre établi afin de s’assurer qu’il n’y a pas d’erreur. Après tout, c’est par clairvoyance qu’il s’assure que tout est en ordre.
Il est maintenant prêt à se rendre à la poste. Quarante-cinq minutes viennent de se consumer. Patrice saisit son manteau, jette une dernière fois un rapide coup d’œil et fait une brève récapitulation mentale afin d’éliminer tout risque d’erreur que l’excitation pourrait lui faire commettre. Tout est bien en place. Les feux de la cuisinière sont éteints, le chat ne s’est pas sauvé, les fenêtres sont closes, l’ordinateur est fermé.
Même s’il est presque sûr qu'il n'y a aucun problème, il ne peut accepter le risque très mince qu'il y ait un problème, car il a peur des conséquences majeures qui pourraient suivre s'il y a effectivement un problème. Donc, pour une troisième et dernière fois, il procède aux ultimes vérifications : fermeture de tous les appareils électriques, de la porte patio du salon, de la fenêtre de la chambre dotée de barreaux, de la présence de la vieille chatte…
Indiscutablement, tout est en ordre. Pourtant, quelque part, au fond de son cerveau, une minuscule sonnette d’alarme s’est, semble-t-il, agitée. Un oubli ? Pendant le trajet qui l’emmène au bureau de poste, Patrice récapitule les divers point importants qui précèdent tout départ : fermeture des issues, feux de la cuisinière éteints…