Photo Guy Bourdin
A Mappleburke, en souvenir de nos 14 ansA Bertrand, en souvenir de sa piscine inconnue
A 14 ans, probablement un peu plus même, Bertrand a téléphoné chez moi un midi pour m’inviter à passer l’après-midi chez lui. Je pouvais emmener une copine si je voulais.J’en avais vachement envie. Pas d’inviter une copine, d’aller chez lui. Je me suis illico demandée s’il allait m’embrasser et me demander encore plus. A cette idée mon cœur s’est un peu serré et mon estomac a fait des siennes. Alors j’ai dit non.Il a fait valoir que son père bénéficiait d’une piscine.J’ai demandé si elle était en plastique.Il a répondu qu’elle avait été construite en dur.Je pouvais difficilement renoncer à l’appel de la piscine.J’ai dit que j’allais appeler une copine et que je le rappellerais dans la foulée.J’ai appelé D. Elle a dit ok, ok, ok, et puis elle m’a rappelé aux problèmes techniques apportés par cette invitation inattendue. Y aller. Parce que nous habitions à vingt kilomètres l’une de l’autre, au sud du département et lui au nord. Bref, nous ne pouvions décider seules d’accepter cette invitation, il fallait demander l’accord des parents.J’ai raccroché et j’ai dit que je la rappellerais un tout petit peu plus tard.C’était samedi et tout allait bien. Il faisait beau. Assez beau pour nager dans une piscine en plein air. Assez beau pour être allongée sur un transat près de Bertrand. Assez beau pour que le général en chef (ma mère) ne soit pas là. Assez beau pour qu’il n’y ait à la maison que mon père qui dit toujours oui.- Papa, je suis invitée chez Bertrand.- C’est qui Bertrand ?- Un copain de l’école. Il a une piscine.- Ah…- Oui…- Il habite où ?- Briollay, Tiercé, quelque part par là. Je voudrais y aller avec Delphine. Son père est d’accord.- Non.Ca a été violent. Non. Comment ça non ? Non sans explication en plus parce que Monsieur n’a même pas attendu mes protestations, il a fui lâchement. Reviens. Reviens ! Papa ! Papa qui dit toujours oui ! - Je n’ai pas le temps, ta mère n’est pas au courant, et c’est un garçon.- Mais j’ai quand même bien le DROIT d’avoir des copains. Ce n’est pas interdit. C’est juste un copain qui a une piscine.- Tu le verras lundi.- Ca n’a rien à voir !Autant dire qu’il n’a pas dépareillé, que je ne suis jamais allée chez Bertrand, j’arrive même pas à en vouloir très fort à mon père, je constate juste que même à 14 ans je n’étais pas libre, que déjà c’était la vie de chien, les frustrations, tout ça.
- Allo Delphine ?- Oui !- Mon père veut pas !- Bof… le mien non plus !- Y’en a marre !- Clair !- Plus tard, on fera ce qu’on voudra, on sera libres, vivement bientôt !- Allez, à lundi.- A lundi.
- Allo Bertrand ?- Oui !- Je ne peux pas venir, mon père veut pas !- Il n’est pas sympa.- Non. Mais j’avais vachement envie de venir.- Dommage.- Dommage. A lundi ?- Yes, à lundi.- C’est trop nul !- Trop nul !- Elle était profonde la piscine ?- Assez…- Bon, je préfère raccrocher.Publié par les diablotintines - Une Fille - Mika - Zal - uusulu