Développement et vitalité de l'Eglise (7)

Publié le 25 novembre 2009 par Hermas

Nous poursuivons cette traduction d'un texte écrit au début du XXème siècle et dont les termes sont si actuels, si pertinents, si adaptés à notre époque blessée des mêmes maux.

8.- Le progrès chrétien, comme tout progrès réel, consiste à conserver fidèlement tout ce qui est bon de ce que l’on a reçu en héritage, à le cultiver, pour qu’il ne soit pas détérioré, à le faire fructifier et à l’accroître, à le compléter, par des acquisitions ou des assimilations nouvelles. Il en est ainsi lorsque l’on éprouve toutes choses et que l’on accepte de retenir celles qui s’avèrent bonnes et légitimes (1 Thessaloniciens, 5,21), d’où quelles viennent, anciennes ou modernes, parce que toute vérité, toute bonté, où qu’elle se trouve, est de Dieu (1).

Tel est le progrès essentiel. Le progrès accidentel consiste à modifier opportunément, en harmonie avec les circonstances, tout ce qui de soi est variable ou demande à être modifié selon les temps et les lieux, pour exploiter au mieux les différentes conditions d’existence. Ainsi, il faut s’adapter, autant qu’il est possible, à toutes sortes d’hommes, pour se faire tout à tous, afin de les gagner tous. Il faut prendre soigneusement en compte les nécessités particulières de chaque époque, de chaque pays, pour pouvoir y répondre, et il faut être capable de parler à chacun en son propre langage, et selon sa mentalité, afin qu’il puisse nous comprendre et nous rencontrer. Notre négligence et notre incurie en ce domaine peuvent provoquer des contresens chez nos interlocuteurs qui les porteront à ne s’attacher qu’à de fausses doctrines, et à se tenir toujours plus éloignés de l’Eglise (2).

Parler ainsi selon une forme nouvelle ne signifie pas proférer des nouveautés aventureuses, selon le goût perverti de ce siècle – ainsi que le font les novateurs, parce que ce sont des mondains (3) – mais s’efforcer de mieux exprimer, de manière plus opportune, les mêmes vérités salvatrices, toujours nouvelles et toujours anciennes: «Non nova, sed nove». Nous pouvons parfaitement, et même nous devons employer parfois un certain technicisme moderne, pour faire notre profit des véritables avancées et nous adapter davantage à la mentalité contemporaine, comme l’a fait saint Thomas en utilisant l’aristotélisme pour s’adapter à la culture de son époque et utiliser la propriété de nombreux termes bien élaborés afin de mieux exprimer et défendre la vérité catholique (4). Voici comment l’Apôtre décrit le docteur chrétien: «Attaché à l'enseignement sûr, conforme à la doctrine, capable, à la fois, d'exhorter dans la saine doctrine et de confondre les contradicteurs» (Tite, 1,9). Il faut cependant prendre garde, quand on use d’un langage moderne, qu’il ne tourne pas en moderniste, c'est-à-dire qu’il ne soit pas imprégné d’idées nouvelles qui ne soient pas saines, ces dernières s’infiltrant avec l’impropriété de ces expressions ambiguës ou suspectes que goûte tant la fausse science. Ce sont ces «discours creux et impies» que le même Apôtre commande d’éviter (1 Timothée 6,20) pour conserver pur le dépôt révélé, parce que, comme en avertit saint Thomas, citant saint Jérôme, «des formules inconsidérées font encourir le reproche d’hérésie » (5).

J.-G. Arintero, o.p.

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(1) Cf. s. Thomas d’Aquin, in 1 Cor. 12, lect. 1 [“(… ) C’est pourquoi la Glose, citant saint Ambroise, dit sur ce passage : "Tout ce qu’il y a de vrai, n’importe qui le dise, procède de l’Esprit Saint", principalement les vérités de foi » ; Opuscule 68.

(2) Bien qu’il ne soit guère facile de ramener à la raison une âme gagnée à l’erreur, cependant il n’est pas du tout impossible d’éviter l’erreur, quand on offre la vérité » (s. Irénée, Adv. Haer., II, 2 ; PG 7).

« L’une des causes qui ont le plus contribué au funeste développement du modernisme est l’isolement même dans lequel une grande partie du clergé se trouve par rapport au mouvement intellectuel (…). Quand les esprits tourmentés par le doute vont frapper à la porte du prêtre, qui parfois  les traite avec dureté ou qui, pour le moins, ne les éclaire pas assez. Notre devoir était de les écouter, d’essayer de les comprendre et de travailler à les attirer. N’avons-nous pas été bien souvent coupables, par notre formation insuffisante, par notre connaissance incomplète des nécessités modernes, de les avoir éloignés de nous ? D’autres, qui ne manquent pourtant pas d’intelligence ni de bonne volonté, ont voulu bien des fois maintenir certaines positions intenables, rejeter a priori, sans examen, les conclusions d’une critique et d’un progrès légitimes (…). Sans aller jusqu’à tout concéder, ne serait-il pas raisonnable de considérer les choses avec plus d’attention, au lieu de les rejeter en bloc ? Très fréquemment encore, dans certains milieux aveuglément conservateurs, on anathématise, sans étudier ni comprendre, en recourant à des procédés peu charitables qui ne font qu’envenimer les plaies et accroître les déviations » (Cf. Etudes franciscaines, août 1907, - trad. ici de l’espagnol).

(3) « Eux, ils sont du monde ; c'est pourquoi ils parlent d'après le monde et le monde les écoute. » (1 Jean, 4,5).

(4) « Ce fut la nécessité de discuter avec les hérétiques qui contraignit de rechercher des mots nouveaux pour exprimer l’ancienne foi en Dieu » (s. Thomas d’Aquin, Somme de théologie, 1a, q. 29, a. 3, ad 1).

(5) Somme de théologie, 1a, q. 31, a. 2 ; 2.2. q. 11, a. 2, ad 2.