En quatre temps

Publié le 24 novembre 2009 par Suzywong
I
Le cœur tendit l’oreille, curieux de savoir si l’amour existait encore ou pas, mais un dense silence continuait de planer. Il n’entendit qu’un superficiel souffle blotti au fond de deux prunelles émeraude. Trop lasses l’une comme l’autre pour discuter avec lui, elles retournèrent se tapir sous les paupières. En réalité, pour ces vertes prunelles, regarder droit dans les yeux ce cœur qui leur tendait l’oreille les mettait trop mal à l’aise pour lui dire qu’il n’était plus aimé.
II
Le cœur haussa le sourcil, prêt à reprendre espoir quand il aperçut autour de sa taille deux bras prêts à lui donner vie encore. Débridés, toute chaleur, les deux fier-à-bras de monsieur à l’œil verdoyant l’apportèrent dans le lit conjugal qu’ils conjuguaient d’ailleurs de moins en moins souvent. Même si le lit monastère était cette nuit amoureux, un abîme de silence continua quand même de se creuser entre eux deux.
III
Le cœur se noua l’estomac lorsque par le plus grand des hasards il vit Monsieur aux yeux herbeux accueillir la langue d’une jeune donzelle jusqu’à sa luette. Le coeur comprit alors pourquoi il avait fait si souvent pénitence au monastère. D'entrée, il se demanda comment interpréter ce qui venait de se passer. Par la suite, même s’il voulait désespérément se faire croire qu’il avait mal vu, il comprit qu’il n’y avait plus moyen de s’embobiner davantage. Il lui vint alors une idée…
IV
Le cœur se rendit à pied au lit monastère pour onduler une dernière fois au gré de la brise verte. Un sparadrap sur la blessure toujours vive et huit heures plus tard, le coeur n’apercevant qu’une superficielle étincelle blottie au fond de deux prunelles pendant que son ventre se bourrait de son tortionnaire, il chuchota au creux de l’oreille de Monsieur qu’il ne le ferait plus souffrir et sortit du tiroir de sa table de chevet un flacon qu’il but d’une seule gorgée. Et enfin, il ne l’aima plus.