La jeunesse

Elle a commencé, je ne sais pourquoi, à me parler des "casquettes et jeans sur les fesses", qu'is étaient des fainéants qui ne respectaient plus rien. Ce à quoi j'ai répondu que je ne les connaissais pas bien et qu'il s'agissait plus d'une mode que d'un comportement. Elle a enchaîné sur d'autres catégories de jeunes, je répondais mollement, attentive plus à ma tâche qu'à ses considérations. Puis j'ai entendu "filles qui font des bébés toutes seules" et là j'ai un peu réagi et menti par esprit de contradiction, par plaisir ou pour lui damer le pion, je ne sais. Je lui ai dit qu'elle disait ça à une femme qui avait fait un bébé toute seule. Mais vous c'est pas pareil! me répond-elle.
C'était une gentille dame de soixante cinq ans, de son propre aveu un peu perdue dans l'évolution de la société. A une étrangère, elle pouvait vider son sac et se soulager de la vision négative qu'elle a de la jeunesse.
Au ras-bord du quai, sur la bande blanche, se tient bien droite une princesse svelte à la longue chevelure nordique. Je ralentis et donne quelques petits coups discrets d'avertisseur. La princesse ne réagit pas et reste dignement à sa place, attendant vraisemblablement les louanges dues à tant de beauté. Je réitère mes pouêt pouêt, avançant doucement quand la belle réagit comme elle le ferait à propos d'une mouche au vrombissement perturbant le tableau de Maître et tourne enfin le regard vers le train. Aucune réaction de retrait et dans les yeux toute l'intelligence de l'huître.
La dame ne l'a pas dit mais l'a pensé si fort que j'ai cru entendre un "vous voyez comment sont les jeunes d'aujourd'hui!" retentir dans la cabine.