En lisant Sacha Sperling...
Un compère me parlait hier soir d’un jeune écrivain de dix-huit ans qu’il faudrait lire absolument, le phénomène du moment, une espèce de Sagan au masculin, dont il était question l’autre matin sur France-Culture. Or je me méfie de ce genre de « révélations», surtout que Beigbeder y serait déjà allé de son clairon, mais je vais voir sur la grille de France-Culture, sans rien y trouver. Puis mon compère l’identifie en librairie cet après-midi: son nom est Sacha Sperling, et le titre de son roman: Mes illusions donnent sur la cour. Du coup, je lui dis de l’acheter, et tout à l’heure je commence de lire Mes illusions donnent sur la cour, beau titre à la Carver, dont la première page me rappelle, par sa netteté mélancolique et son objectivisme sensible, les premières pages de Moins que zero de Bret Easton Ellis. Puis cela devient autre chose : cela devient un récit personnel au ton unique, délicat et subtil, précis et poreux, très mûr de perception émotive et pour ainsi dire implacable par son regard et ses constats, comme un regard d’enfant découvrant l’énormité fragile du monde et que quelque chose va se passer, et de fait on est bientôt pris par ce qui se passe, d'un constat à un autre constat, dans ce récit de Sacha Sperling qu’on sent aller, de phrase nette en phrase nette, avec une espèce de tendre douleur d’honnêteté, vers la vie comme elle est quand on y entre - et maintenant, réellement pris, comme on dit: scotché par le premier roman de ce grave gamin, après avoir noté cette phrase de la page 31, «Un jour j’ai arrêté de considérer ma mère comme ma mère. Je ne sais pas comment ça s’est fait. Ce jour-là, j’ai véritablement commencé de l’aimer… », je retourne à ma lecture avec le sentiment que je ne serai pas déçu, mais qui saurait le dire sans lire ?
Sacha Sperling, Mes illusions donnent sur la cour. Fayard, 265p.