Vieillir éveillé

Publié le 28 novembre 2009 par Lephauste

Ne plus avancer aux rythmes des secousses.

Ne plus aller en éternel retour chercher ce qui s'est perdu dans le passé du temps décompté.

Ne plus ni de droite ni de gauche se perdre en de vaines attentes à chercher le miracle dans l'ailleurs impossible des voix tues.

Ne plus se laisser rosser par les liens lâches de l'abandon.

Ne plus aimer, jamais, ce qui se hâte de démembrer la haie de nos bras ouverts.

Ne plus chercher dans les regards baissés, la serrure, la clé d'une caresse qui ne viendra plus.

Ne plus rassir sur l'étagère des réservés.

Ne plus chercher le regain dans les strophes de la rengaine.

Ne plus jamais avoir aux lèvres les noms de ceux qui plus jamais, les appelant malgré tout, ne viendront nous relever de nos chagrins.

Ne plus rien savoir dire ni faire ni enseigner de ce qui fut et dont à présent tous nous nous fichons en riant à gorge déplumée.

Ne plus être l'anecdote récente, la nouveauté facile, l'exotique policé au fond de la fosse aux ours.

Rester là, au milieu de tout et de rien, être même ce tout à qui plus rien ne fait froid dans le dos.

Et puis enfin vieillir, vieillir et veiller, vieillir éveillé.

(pour Guillaume Auger)