Mes chers amis, c'est dans ce
lieu, oui, c'est dans ce lieu de pénitence qu'on voyait ponctuellement
l'accomplissement de ce que David disait de lui-même (cf. Ps 37,6-7), c'est là
qu'on avait sous les yeux le spectacle attendrissant, des personnes qui étaient
plongées dans la plus désolante affliction, et courbées jusqu'à la fin de leur
vie sous le poids immense de leur douleur; qui tous, les jours portaient
l'amertume de leur tristesse peinte sur leur visage et exprimée dans leurs
mouvements et dans leurs démarches; et qui, par l'horrible puanteur qui
s'exhalait de leurs plaies, annonçaient que leur corps, dont ils ne prenaient
aucun soin et auquel ils ne pensaient même pas, était couvert d'un ulcère
général. C'est là qu'on voyait des hommes qui avaient oublié de manger leur
pain, qui mêlaient leurs larmes avec l'eau qu'ils buvaient, qui se
nourrissaient de cendres au lieu de pain; dont les os, devenus secs, n'étaient
plus entourés que d'une peau ridée et qui y était collée; et dont le coeur
avait séché comme l'herbe frappée par les ardeurs du soleil (cf. Ps 101,4-12).
On ne leur entendait prononcer que ces mots : "Malheur à nous, misérables !
malheur à nous !"; et ces autres : "C'est avec justice, oui, c'est avec justice
que nous sommes dans cet état déchirant"; et enfin ces autres : "Pardonne-nous,
Seigneur; nous t'en en conjurons, pardonne-nous." Plus loin, vous en entendiez
d'autres qui faisaient retentir l'air de ces paroles seulement : Pitié,
Seigneur, pitié !", et d'autres enfin qui, d'une voix plus lamentable, ne
cessaient de répéter : "Ah ! Seigneur, si nous pouvons encore espérer, daigne
nous pardonner ! oui, Seigneur, pardonne-nous !" saint Jean
Climaque : L'Échelle sainte
«De la véritable et
sincère Pénitence»