Magazine Journal intime

Auto-déraillement

Publié le 30 novembre 2009 par Deathpoe

L'instant d'avant je me sentais empli d'une puissance presque surnaturelle, invincible, et surtout infaillible. Après ces dernières années passées à régler mécaniquement mes échecs, je songe parfois à la possibilité de régler la balance, et de découper barreau par barreau cette échelle infinie. Si je croise un jour une ancienne connaissance, et qu'elle me demande "Alors, que deviens-tu, qu'est-ce que tu fais maintenant?, je pourrai répondre, au choix: je suis en train de rater ma vie ; je réussis. Dans les deux cas, il ne peut y avoir aucun étonnement et je serai parfaitement à ma place.
Le corps est complètement alléger par la codéine et les seules parties qui me semblent vivantes sont ma tête et le bas de mon dos, dont la douleur ne diminue pas malgré la répétition des médicaments. La nuit, je n'ai jamais été aussi seul que présentement. La tête tourne en rond à cent à l'heure en se heurtant aux murs du silence. Toute communication est dès le départ faussée, d'autant plus lorsqu'il s'agit d'acte de création. Il n'existe pas d'erreurs, seulement des choses que l'on ne choisit pas de dire. Et celles que l'on fait semblant de ne pas comprendre. Ou alors Dieu, ou quelconque entité supérieure à la noix à prescrit la cécité pour tous. L'équilibre est inexistant, d'autant plus dans nos relations. Il n'y a que le silence, gêné ou gênant, qui soit vraiment révélateur. Toujours moins que les explosions de colère contre soi-même et le monde entier, étouffées, muettes, à peine suggérées par le soleil qui se lèvera dans le même temps où les lampadaires s'éteindront docilement.
Peut-être que je manque cruellement de sommeil et que mes yeux ne se plaisent plus que devant un écran ou une page vierge. Je crois aux embryons tout droit sortis d'un disque dur, et m'émerveille devant l'emprunte que trace la technologie sur son sillage, nous brûlant la peau comme un tatouage, un rite initiatique complètement dénaturé de simplicité. Qu'on vous écoute ou non n'a pas la moindre importance, on ne vous entendra que trop rarement. Nous sommes des chiffres et des fichiers informatiques et jamais je ne pourrai me passer des néons et des enseignes lumineuses, puisqu'il n'y a d'attente que celle de la fin. Pour passer le temps, on trouvera à redire, de quoi se foutre en boule et avoir quelques excuses de fausse persuasion, histoire de s'occuper un peu.
Vraiment très drôle.


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