Un léger vent fait soudain envoler le chapeau d’une fillette qui court pour le rattraper, fait envoler le croquis qui était sur mon banc et que j’ai fini 10 minutes plutôt. Soudain il se pose à ses pieds, à ses pieds à elle, elle, mais qu’est-elle ?
Au début je n’ai rien vu, juste l’aura qui entourait son être, juste le halo que dessinait le soleil autour de son corps, la lumière que dégageait son visage. Elle se penche, prends délicatement mon bout de papier, enlève religieusement la poussière qui s’y est posé, observe avec intérêt mon dessin, regarde dans ma direction, avance dans ma direction, tout doucement, elle vient, la lumière avance vers mon banc!
Perturbé, je regarde à gauche et à droite, elle avance réellement vers moi. Nerveusement, je coiffe mes cheveux avec ma main, j’ajuste ma posture, je range les quelques feuilles de papier éparpillées sur le banc, je prends mon crayon, je plonge ma tête dans mon bloc-notes avec un intérêt déguisé, un air faussement sérieux… « Pardon, mais je crois que ça vous appartient ! ».
Je lève ma tête, et je croise son regard hypnotisant, son parfum m’enivre, sa voix m’ensorcelle, j’arrive à balbutier quelques mots : « Euh…, qui ??? moi ! Euuh… » Elle rit aux éclats, et son rire retentit dans mes oreilles comme une hymne à la joie, comme un son venu d’ailleurs, comme un appel au bonheur. « Vous êtes le seul à avoir un crayon et un bloc notes par ici, et ça ne peut appartenir qu’à vous je pense! En faite, je vous félicite, votre croquis est beau, les couleurs sont si vraies, le paysage est magnifique, on dirait que je l’ai déjà vu mais où ? Je ne m’en souviens plus… ».
Elle me tend mon papier, je tends machinalement ma main et j’effleure la douceur incarnée, la soie humanisée, la velouté dans toute sa beauté… « Merci, désolé de vous avoir fatigué…Merci, euuuh….Pardon… » Elle me sourit et me dit « Mais c’est moi qui vous remercie, j’espère que vous ferez d’autres dessins aussi beaux, et que j’aurais la chance de les voir…un jour… au revoir monsieur le peintre du parc, à bientôt… peut être… ».
Elle me lance un clin d’œil puis se retourne et part. Elle part déjà! Je suis chacun de ses mouvements longs et gracieux, je crois entendre le bruit de sa robe qui effleure le sol, le retentissement de ces bracelets dans son bras, je me régale de la vue de la danse du vent dans ses cheveux, j’embrasse le bout de papier qui me la fait parvenir à mon banc, je l’hume espérant sentir encore son parfum , je bénis le vent d’avoir souffler dans ma direction, je prie le ciel pour que les ‘à bientôt’ se réalisent, pour que le hasard renvoie ses pas vers ce banc encore une fois.