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Caucase : Les Balkans russe

Publié le 26 août 2008 par Vympel
Caucase : Les Balkans russe

Alors que la trêve olympique entra en vigueur le Huitième jour, du Huitième mois, de la Huitième année du XXIème siècle, les troupes géorgiennes lancèrent une attaque surprise sur la région séparatiste de l'Ossétie du Sud. Dans les quelques heures qui suivirent, le 87ème Régiment des parachutistes de l'armée russe renforcé par deux unités de Spetznaz du 3ème Régiment des Forces Spéciales se heurtèrent à l'armée géorgienne. L'intervention se ramifia par l'apport de quelques 150 chars russes et une couverture aérienne assurée par des hélicoptères d'attaque MI-24 et près de 50 chasseurs-bombardiers Su-25 et Su-35. En moins de 24 heures les assaillants se replièrent vers la frontière (Ossétie du Sud – Géorgie), après 48 heures ils prirent la fuite vers les faubourgs de la capitale géorgienne Tbilissi en vue de la défendre contre une prétendue invasion de l'armée russe.

Que c'est-il passé pour qu'une escalade du genre prenne forme sans préavis apparent?

La zone de conflit connue comme la région du Caucase est réputée, pour les stratèges, comme une zone de turbulence d'avant même les conquêtes ottomanes. Sous souveraineté soviétique jusqu'en 1991 où les indépendances des États de ladite région semèrent les conflits et les génocides entres les parties ethniques. Alors que la Russie de Eltsine sombrait dans la faillite, le monde occidental, guidé par les USA se donnait le privilège de s'installer paisiblement aux confins des frontières russes à des fins géostratégiques; changeant ainsi la carte géopolitique de la région pour s'octroyer les richesses fossiles en échange du rêve démocratique qu'ils aboient aux peuples exploités.

Caucase : Les Balkans russe
Dans ce tableau, la Géorgie occupe une position bien particulière. Au contraire des pays du voisinage, cette mini-nation ne possède aucune ressource énergétique susceptible de capter la gourmandise des puissances occidentales; en contrepartie, la position géographique de la Géorgie représente un intérêt à la fois militaire, vu son approximativité aux frontières russes du Caucase (une partie très vulnérable de la Fédération de Russie), et économique puisqu'elle forme un pont géographique entre la mer Caspienne, riche en pétrole et gaz, et la mer Noire quai principale pour le ravitaillement énergétique des occidentaux.

Bien qu'affaiblit par son statut économique, la Russie n'a jamais baissé la garde dans une région aussi instable que le proche-orient. Ayant soutenu l'indépendance, en 1990 de deux régions autonomes de la Géorgie (L'Abkhazie et l'Ossétie du Sud) les russes étaient bien conscients de la conspiration qui se jouait. Afin d'éviter le territoire russe comme unique passage des oléoducs vers l'Europe de l'ouest, l'OTAN, par le biais des USA avait mis le projet de la démocratisation des ex pays du bloc de l'est sous la nomination « commerciale » de la Révolte des Roses, ciblant principalement la Serbie, l'Ukraine, la Hongrie, la Géorgie et la Biélorussie la seule où la révolte s'est soldée par un échec total; ainsi la chaine principale de cet projet fut, et reste, la Géorgie territoire essentiel pour le passage des oléoducs depuis la mer Caspienne vers « le Monde Libre ».

Les deux oléoducs principaux coupent ce pays en provenance de la mer Caspienne, l'un vers le terminal de Supsa (Géorgie) en mer Noire pour approvisionner l'Europe occidentale (fondamentalement l'Union Européenne), et l'autre vers le terminal de Ceyhan (Turquie) où la grande part est commandée par les USA en faveur d'Israël isolée de toutes les voies énergétiques dans la région (principalement les Pays du Golf).

On observe donc, que des intérêts stratégiques lient solidement les européens, les USA et Israël à un pays aussi misérable que la Géorgie (près de 50% de chômage, 15%du PIB est source des virements de l'immigration géorgienne en Russie, économie basée à 70% sur l'agriculture...etc.); c'est dans ce contexte, sécuritaire & énergétique, que les géorgiens sont armés et entrainés par les américains et les israéliens pour tenir les russes aussi loin des pipelines, et supportés économiquement par l'Union Européenne afin de tenir le coup politiquement (propagande électorale...etc.); or la question des deux régions séparatistes pose des problèmes aux politiciens géorgiens au pouvoir, mais aussi aux occidentaux, et principalement aux américains qui les considèrent comme une source d'insécurité pour le pouvoir en place.

Caucase : Les Balkans russe
Beaucoup d'analystes restent divisés quant aux recommandations américaines au président géorgien Saakashvili de lancer la fameuse incursion du 8 Aout, d'autres tendent à une conspiration russe au sein de l'appareil décisionnel géorgien de sorte à intoxiquer les faits quant à une riposte musclée de la partie russe. Se qui résulte, à mon sens, que dans les deux cas, la Russie sorte gagnante dans les deux niveaux, militaire & diplomatique. Sur le terrain, l'armée russe a atteint la limite des objectifs tactiques émis sur papier, contrôle totale de l'Ossétie du Sud, reprise des Gorges de Kodori (en Abkhazie) une vallée stratégique aux confins de la frontière Géorgie – Abkhazie, création de zones de sécurité démilitarisées entre la Géorgie et les deux régions séparatistes (contrôle des villes de Gori et de Senaki, du port stratégique de Poti...etc.), enfin le démantèlement et la désintégration des capacités belligérantes de l'armée géorgienne (destruction d'armements, bases militaires, radars, navires et aviation militaires); en diplomatie la Russie se confirme comme un joueur essentiel sur la scène internationale découronnant les USA du rôle monopolisateur du Policier, montrant ainsi aux pays de la région (surtout les voisins) qu'elle n'hésiterait plus face aux menaces expansionnistes de l'OTAN jouant la carte de son partenariat diplomatique dans les questions internationales épineuses comme le nucléaire iranien et la crise continuelle au Proche-Orient.

Les propos du Pentagon (le ministère de la défense US) indiquant l'étonnement quant à la réaction instantanée de l'armée russe, montre bien que les américains y étaient pour quelques choses dans l'aventure du président géorgien; un président s'adressant à son peuple en anglais, du jamais vu !

Encore supportés par les USA, les géorgiens sont démoralisés par la tragédie qu'ils vivent, bien que les répercussions du conflit ne se sentent pas aussi hardament, l'échec est présent et dans les semaines qui viennent Saakashvili et son team devrons y faire face du fait que leur avenir politique sera mit en jeu. Le mauvais calcul de la part des géorgiens, mais aussi des américains, montre combien les occidentaux et particulièrement les européens, qui peinent à éteindre la flammes des conflits sur le vieux continent, se trouvent partiellement (pour ne pas dire plus) incapable de freiner le grondement de l'ours russe qui s'impose, de jour en jour, comme principal convoyeur d'hydrocarbures vers l'Europe mais aussi comme une issue au système international unipolaire guidé par ladite « superpuissance » les États Unis d'Amérique.

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