Je pénètre ce matin dans ma tour avec une légèreté inhabituelle. Cette fatigue chronique d’automne me colle pourtant aux tripes. Mais ce parfum croisé devant les ascenseurs, cette fragrance de vanille, me rappelle soudainement les peaux brunies d’été. Il y a toujours cette sensation étrange. Celle d’être aimé, de ne pas être lucide, et ce manque : persistant. Elle n’est pas entièrement à moi, et pourtant elle m’aime. Après ma douloureuse aventure de cet été, oublier me semblait si loin que c’en était improbable. Tentative vaine de faire marcher ma mémoire et ma lucidité, trop dur pour un lundi matin sans doute. Mais arrivé dans l’ascenseur, je me souviens.
« Je ne supporterais jamais ce genre de situation, j’ai passé l’âge et je ne suis pas assez patient pour supporter ça ».
Ça, c’est ce que j’aurais dit il y a deux mois, si on m’avait parlé d’être un amant. J’aurais répondu que je mérite mieux que ça, que j’ai envie de construire une vraie histoire, que j’en ai marre des histoires à répétition. J’aurais dit que les relations à distance, les relations compliquées, très peu pour moi. Et j’aurais dit enfin, que je n’étais pas prêt à aimer encore.
Et puis cette beauté arrogante est venue casser quelques certitudes, a entrouvert une brèche, que j’ai laissée béante.
Je sais que c’est beaucoup demander à mon organisme de gérer tout cela. Ce week-end espéré qui n’a pas eu lieu, ces instants de plus en plus insistants. Je sais que ce stress, que ces ascenseurs émotionnels me perturbent physiologiquement. Mais que faire à part espérer ? Que faire à part la croire ? Je ne l’attends plus, je l’espère.
Treizième étage : début de la semaine. Dans mon dos, on me lance « Bonne journée ! ».
J’ai toujours décidé d’être heureux.