Magazine Journal intime

Rats: mort de ma chérie

Publié le 24 novembre 2009 par Dunia

Crise de folie

Adieu ma Carina

Vendredi soir, pour la première fois j’ai tué de mes mains. J’ai étranglé Carina.

Depuis quelques jours Carina -29 mois- semblait arriver en bout de vie. Fatiguée, sa respiration devenait parfois difficile, puis elle se ressaisissait et recommençait à gambader comme une jeune fille. Me paraissant fragile, craignant qu’elle tombe et se casse les os, je l’avais retirée de la volière et mise en compagnie de Germaine dans une cage sans étage en attendant que la Faucheuse l’emmène. Mais Carina s’accrochait à la vie. Dès que je m’approchais de la cage, elle sortait de la maisonnette. Son unique souhait consistait à rester dans mes bras. Quand je l’a posais sur le canapé des rats, au lieu de se terrer sous les couvertures comme d’habitude, elle venait au bord bord du matelas, cou tendu, attendant que je passe près d’elle dans l’espoir que je la prenne avec moi. Malheureusement, il m’était impossible de passer la journée avec elle. Même à mon bureau, elle refusait de rester sur mes genoux ou sous mon pull et préférait s’entêter à grimper sur mes épaules. Comme la vieillesse lui imposait un équilibre précaire, je la remettais dans sa cage ou la réinstallais sur le sofa. Vendredi, comme beaucoup de mes rats lorsque la mort les effraie, elle s’est jetée du canapé comme si elle fuyait la Faucheuse or, le soir même j’avais rendez-vous à Lausanne afin d’amener la petite rate Calypso à Vicky et sa fille -qui sur ce blog porte le pseudo de Calypso d’où le nom de la rate- et assister à une séance de La Nuit du Court Métrage . J’ai longtemps tergiversé, ne sachant que faire avec ma tendre Carina. Finalement, craignant qu’elle meurt seule alors qu’elle avait tant besoin de présence humaine, encouragée par l’idée qu’elle pourrait mourir les heures qui suivraient mon départ pour commencer à se décomposer avant ma rentrée le dimanche soir, j’ai décidé de l’emmener avec moi chez Vicky, autre amatrice de rattus norvegicus, ayant assez de cages pour recevoir des rats en visite.

Crise de folie

Chez Vicky nous avons installés la petite Calypso, qui avait déjà vécu dans la volière en compagnie de Carina, avec la mémère malade. Avec les chiffons qui tapissaient la cage de transport, nous leur avons confectionné un lit confortable. Vicky et Calypso -ma filleule de cœur pas la rate- portaient toute leur attention à la petite Calypso -la rate- tandis que nous nous racontions nos dernières aventures puisque cela faisait longtemps que nous nous n’étions pas vues. Comme à son habitude à la maison, Carina se cachait sous les tissus. Nous avons rapidement soupé avec la cage des petites sur la table, pressées par le temps car Vicky, qui avait envie de boire un verre de vin avec moi en mangeant, à pour coutume de s’imposer la tolérance zéro avec l’alcool lorsqu’elle doit conduire d’où le projet de nous déplacer en train. Nous étions dans le stress de l’habillage et du dernier pipi avant de prendre la direction de la gare - je dis toujours que Vicky et Calypso vivent à Lausanne or en réalité elles vivent en banlieue- lorsque ma filleule de cœur s’est écriée:

-Mais! C’est QUOI cette rate qui se mange la queue!

Calypso ayant dix-sept ans et un certain sens de l’emphase et de l’exagération, j’ai d’abord cru à l’une de ses habituelles amplifications. Par réflexe, j’ai jeté un œil distrait sur la cage. Avec horreur, j’ai vu que Carina rongeait frénétiquement sa queue couverte de sang. Elle laissait la chair à vif autour des vertèbres et s’attaquait à ses os qui déjà semblaient cassés par endroits. J’ai essayé de la distraire de son violent auto-cannibalisme en lui donnant une biscotte , mais elle en rongeait trois bouchées puis réattaquait sa queue avec plus d’acharnement. J’ai tenté de la prendre contre moi pour la calmer, mais elle m’a mordu par trois fois aux deux mains. Rien ne semblait pouvoir arrêter son auto-dévorement d’une férocité meurtrière. En trente seconde Vicky et moi avons décidé de nous passer de séance de cinéma pour nous occuper de faire euthanasier ma Carina chérie avant qu’elle se mange totalement et meurt dans d’atroces souffrances. En pleine panique nous avons cherché le numéro du vétérinaire d’urgence. Il se trouvait à Morges, c’est-à-dire à plusieurs dizaines de kilomètres. Le temps d’y aller, Carina avait le temps de se mutiler toutes les extrémités. C’est là que j’ai choisi de lui apporter la paix moi-même en l’étranglant. Les mains couvertes d’un foulard, en pleurant j’ai serré son petit cou tandis que Vicky bouchait ses narines avec un papier imbibé d’un désinfectant médical. Je croyais que ma Carina chérie, aidée par ses problèmes respiratoires, s’en irait rapidement. Mais non. Les forces décuplées par sa folie, elle résistait. Ses yeux s’exorbitaient, sa jolie langue sortait d’entre ses dents, mais elle s’accrochait. J’ignore combien de temps cela a duré. Peut-être deux très longues minutes. Peut-être moins. Peut-être plus. Finalement, Carina est morte. Morte de mes mains. Des mains qui l’avaient si souvent caressée. Des mains qui pour la première fois tuaient un mammifère.

Après cet acte, je me suis effondrée. Vicky m’a demandé si je souhaitais que nous restions paisiblement à la maison. J’ai décidé que nous irions au cinéma. Une fois que la mort a emmené une vie, à rien ne sert de pleurer. Pour les vivants la vie continue. Cependant, je mentirais si j’affirmais avoir passé une bonne soirée.

Est-ce que je regrette mon geste? Non. Je ne le regrette pas. Par amour, par respect pour mon animal de compagnie -ça me déchire d’écrire le mot animal, pour moi les rats étant davantage des demi-dieux que des animaux- qui m’avait donné tellement de tendresse, de confiance, je me devais de le soulager. Aurais-je pu euthanasier Carina autrement? Non. Il existe des façons plus efficaces de tuer un rat lorsqu’on ne possède pas de chimie létale, à savoir l’étirement ou le coup du lapin. Encore faut-il savoir comment procéder, connaître parfaitement ces techniques de mise à mort. Sinon l’on risque le carnage, la mort lente et douloureuse de l’animal. Par ailleurs, pour avoir moi-même failli être étranglée plusieurs fois par des mains, je suis persuadée qu’on ne souffre pas. Qu’on perd d’abord connaissance avant d’étouffer. La chose étrange, réside d’à présent me savoir capable de tuer avec mes mains. Je ne l’aurais pas cru.

Adieu ma Carina. Au paradis du rat domestique tu as retrouvé ton frère Prado et ta sœur Mirabelle. Amusez-vous bien ensemble dans ce lieu idyllique sans barreaux ni souffrances. Pardonne-moi Carina. Je t’aime.

Rate simoise nue standard

Née le 12 juin 2007 Carina, fille de Gandalf et Tornade, petite-fille de mon premier rat Peste et de Céphalée Senior, aura quand même vécu 29 mois ce qui est très respectable pour une rate. Surtout pour une nue, dont on ne cesse de me rabattre les oreilles sur leur fragilité, or mes rats nus sont quasiment plus “solides” que mes poilus.

Rates simoises nues standards

Deux soeurs: la timide Mirabelle à gauche -décédée le 17 octobre 2009- et la douce Carina à droite.


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