Je cours

L’homme qui s’est avancé vers moi ne m’avait pas l’air inconnu. Un sentiment presque familier se dégageait de son visage. Je n’ai pas ralenti le pas pourtant, de peur de commettre un impair. Je l’ai laissé me dépasser comme son regard ne se faisait pas plus insistant. La femme qui a suivi m’a paru étrange. Engoncée dans une robe trop étroite, ses jambes trop longues serrées dans des collants noirs. J’aime me promener dans les endroits qui me rappellent des souvenirs. Etait-ce là ? Ou bien ici que nous avions bu un verre ? Je ne sais plus. La mémoire sélective est bienveillante quand elle nous empêche d’être nostalgiques. Et j’évite de l’être. Je préfère de loin vivre le présent. Et je marche.

J’aime marcher, me perdre si possible. Parce que se perdre est la seule vraie manière de découvrir. Je croise ces visages, ces silhouettes, ils vont quelque part d’un pas décidé. Pas moi : je marche pour marcher. De plus en plus vite sans savoir pourquoi. Plus j’avance et plus mon pas s’accélère. Je crois bien que je cours maintenant. Après quoi ? Rien sans doute. Peut être que je fuis quelque chose ? Non. Je cours, je cours, je cherche un but. Et le vent fouette mon visage, mon souffle s’accélère, je souris en croisant ces passants qui me croient fou. Peut être le suis-je, mais je cours encore à en perdre haleine. Parce sans aucun doute, elle m’attend quelque part.