Je vous l’avoue, vous m’avez fait beaucoup de peine. J’ai été profondément meurtri par les messages de solidarité qui ont accompagné le pitoyable abandon d’avant-course de Mel à la Gujanaise. Mel encouragée dans son vice, franchement, elle n’avait pas besoin de çà.
Alors les filles, comme vous n’avez pas été sages, voici un nouveau sermon de Père Robert. Encore un. Après la main de Thierry Henry, voici mon prêche sur le projet de grand stade à Bordeaux.
Quoi le grand stade, vous n’en avez pas entendu parler ou bien ? çà fleurit partout les grands stades, Lyon, Lille et bientôt Bordeaux. « Que cent fleurs s’épanouissent, que cent écoles rivalisent » comme disait le camarade Mao avant de zigouiller des centaines de milliers d’opposants. Aucun rapport avec mon sujet, la peine capitale ne sera pas requise contre moi.
Sur www.malinmaligne.com , la parole est libre. Enfin, j’fais gaffe quand même. Mel est la copine sur FACEBOOK d’Arielle Plazza, l’adjointe au maire de Bordeaux en charge des sports…
Je reprends : la France veut se mettre au diapason du foot business européen en construisant de grands lieux de consommation tout entier dédiés au sport. Oui, c’est à çà que servent les grands stades. Naïves que vous êtes, vous pensiez qu’un stade çà servait encore à faire du sport ? Que nenni, c’est fini ce temps-là. Un grand stade c’est désormais une machine à cash.
Et oui, « Il faut bien se rendre à l’évidence : les spectateurs, moins présents dans les stades français, y dépensent également moins. (…). La modernisation des stades enclenche, en revanche, un cercle vertueux qui profite à l’économie du sport : une nouvelle enceinte permet non seulement d’améliorer la part billetterie de la recette globale, mais elle génère également des recettes annexes (merchandising, restauration) plus importantes. » C’est bien écrit, non ? un peu administratif comme langage c’est sûr, mais c’est tout à la fois synthétique et complet, quoiqu’un peu anglophone avec ce terme de « merchandising ».
Finalement, ce n’est pas cette logique mercantile qui me heurte, même si ma vision du sport et du spectateur est un peu différente. Donc forcément datée, rétrograde ou démagogique. Non, ce qui me gêne c’est que cette logique mercantile en appelle à des financements publics. Sur Bordeaux, le grand stade est évalué à 200 M€, les Girondins se sont engagés à verser 100 millions d’euros, les collectivités locales (Communauté urbain, Région et Ville de Bordeaux) apporteront 15 millions d’euros chacune. L’Etat, 20 millions. Le « naming », une entreprise donne son nom au stade… pour la postérité, 10 millions d’euros.
A vos bûchettes : il manque encore 15 millions.
C’est quand même incroyable pour quiconque a tenté un jour d’obtenir une subvention de l’Etat pour un projet associatif. Quand on connaît la lourdeur du dossier à constituer pour obtenir quelques milliers d’euros. Là, le projet brasse des millions d’€ et malgré mes recherches (pas très longues, c’est vrai… si quelqu’un peut m’apporter les éléments, je suis preneur), je n’ai trouvé aucune étude économique sur les retombées d’un grand stade à Bordeaux ni même sur ses conditions d’exploitation : qui ? comment ? pour combien ? et qu’est-ce qui se passe si les Girondins descendent en Ligue 2 ? etc…
Mieux encore. Cité par Sud-ouest, le meilleur d’entre nous (Alain Juppé pour celles qui sont nées après l’ère RPR) précise : « Nous allons clairement annoncer la couleur. Des économies sont à réaliser sur le coût de la construction. Nous allons faire jouer la concurrence… J’ai rencontré le président de la Juventus de Turin qui m’a expliqué que leur nouveau stade allait coûter 105 millions d’euros… ».
On est dans un flou quasi-complet. A 100 millions d’€ près. Mais les élus sont déjà d’accord pour financer.
On va encore me dire que je suis un bobo. Que je ne comprends rien aux sports collectifs. A la demande populaire. A la saucisse-frites.
C’est sans doute vrai.
Mais hasard de l’actualité. Hier le ministre du budget a rencontré les directeurs de Pôle emploi, Météo France ou le CNRS, et leur a demandé de faire 1 milliard d’€ d’économie de frais de fonctionnement sur trois ou quatre ans. Et ce milliard d’€ de frais de fonctionnement, si on analysait son impact économique par comparaison avec l’argent public investi dans des projets privés comme le grand stade ? parce que quand même, 100 millions par ci et 100 millions par là, çà fait cher la merguez-saucisse…
Allez, je vais me préparer pour les 10 kms d’Arcachon. Juste, pour finir. Celui qui a écrit « La modernisation des stades enclenche, en revanche, un cercle vertueux qui profite à l’économie du sport… », c’est Philippe Seguin, premier Président de la Cour des comptes. En charge de contrôler la dépense publique.
Amen.
Dessin : Mika, toutes ses créations sur http://mikadessinateur.skyrock.com/