Tous les jours il restait en arrêt devant la boutique aux collants bariolés, pour le plaisir. Il ne faisait de mal à personne. Pourquoi n’aurait-il pas eu le droit de regarder des jambes de toutes les couleurs ? Il aimait bien ces jambes qu’il s’imaginait saisir à bras le corps pour les emporter au pays de ses rêves. Il ne faisait de mal à personne. C’est tout ce qui lui restait dans la vie. Quand les flics l’ont interpellé devant la boutique ils lui ont dit, menaçants : « Suis nous et ferme ta gueule ! ». Forcément il n’a pas voulu, il ne faisait rien de mal, c’est interdit par la loi de regarder des jambes de mannequins ? Les flics ont alors brandi leurs menottes :
- Sale obsédé, tu mérites qu’une chose, la taule !
Lui, il n’a rien compris. En garde à vue il a juste répété qu’il aimait bien les jambes aux collants bariolés. Soudain un des deux flics - celui dont les yeux s’enfonçaient dans les siens - lui a balancé une torgnole en gueulant :
- Et les jambes qui étaient dans le sac en plastique, les jambes bariolées que tu as balancées dans le canal ? Tu t’en souviens bien putain de merde ?
Là, il a baissé les yeux, qu’est-ce qu’il aurait pu dire ? De toutes façons ils ne l’auraient pas cru…
PS : texte écrit à partir de cette photo de C. V. prise à Madrid.