Depuis que la ville avait placé un haut-parleur juste au-dessus de sa fenêtre pour la période des fêtes, elle devenait chèvre. Vendredi, toute l’après-midi, elle avait supporté stoïquement « Petit papa Noël », en boucle ; samedi, elle avait eu une overdose de « Vive le vent » et dimanche, on l'abrutissait de « Douce nuit, sainte nuit » ; Elle avait entendu la chanson 20 fois depuis que le carillon avait sonné midi, elle avait compté ! A 18 h 30 précises, elle sortit de l'immeuble l’ampli à la main ; sa tête résonnait toujours de l’horrible couplet :
« Douce nuit, sainte nuit !
Dans les cieux ! L'astre luit.
Le mystère annoncé s'accomplit
Cet enfant sur la paille endormi,
C'est l'amour infini
C’est l’amour infini !»
Le marché de Noël était sur la place de la cathédrale, non loin de chez elle et, depuis une semaine, il vomissait ses bijoux de quatre sous, ses bougies multicolores, sa friture, ses crèches et ses santons. Elle s’arrêta à la première baraque de Noël, se planta juste devant avec à ses côtés le petit ampli qu’elle s’était achetée l’année passée et elle hurla dans son micro :
« Putain de nuit, qui m’pète les ouies
Dans les cieux, la conn’rie luit
On t’entube, tu consommes endormi
Tu marches à fonds, t’y laisses ton RMI
C’est l’arnaque infini
C’est l’arnaque infini ! »
Elle n’eut pas le temps de terminer sa parodie, deux types en uniforme l’embarquèrent au poste de police et la mirent en cellule de dégrisement sans qu’elle ait pu leur expliquer que si la mairie n’avait pas mis son haut-parleur juste au-dessus de sa fenêtre, elle n'en serait pas venue à…
PS : texte écrit à partir d’une brève lue sur le site « une vie de merde »