SOLITUDE DES SEUILS
Bercer ma souffrance sur la route
la liberté comme une écharde sous la chair
remue un ongle à peine
ma peau frissonne
de n'être rien de plus qu'une écorce émondée
la rumeur de la mer monte
se fond avec le vent
voix de traverse entre les feuilles
la châtaigneraie respire
― troncs couchés ―
l'automne murmure sa plainte douce dans la futaie
les feux finissent de brûler
c'est ― dit-on ― pour rendre la terre à sa fertilité première
les feuilles frôlent les branches
petit bruit de caresse absorbé par le sol
ça craque un peu partout
― interstices de lumière ―
les nuages s'accrochent à l'arrondi des montagnes
lignes de crête en fuite sous le vent
à peine
un filet de soleil dans le taillis
où j'hiberne
que sais-je ?
de ce que je veux
de ce qui m'habite
seule la lumière tapie dans les feuilles me dit que rien d'autre n'a de prix
sinon elle
je la suis
qui s'insinue entre les courbes
elle est si faible
qu'il ne restera d’elle que la promesse du soir
les feuilles carriolent autour de moi
― bruit de sabot léger ―
la mer roule sa rumeur sombre
au rythme régulier des vagues poussées au rivage
par une force que je ne vois pas
d'autres bruits trouent le silence
― cris de geais
froissements d'ailes
bris de branches ―
le vent frissonne en strates fines
je hume le parfum qui monte de la terre
solitude des seuils.
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
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