Solitude des seuils

Publié le 09 décembre 2009 par Angèle Paoli


        
        Ph., G.AdC


SOLITUDE DES SEUILS

Bercer ma souffrance sur la route
la liberté comme une écharde sous la chair
remue un ongle à peine

ma peau frissonne
de n'être rien de plus qu'une écorce émondée

la rumeur de la mer monte
se fond avec le vent

voix de traverse entre les feuilles
la châtaigneraie respire

― troncs couchés ―

l'automne murmure sa plainte douce dans la futaie

les feux finissent de brûler
c'est ― dit-on ― pour rendre la terre à sa fertilité première

les feuilles frôlent les branches
petit bruit de caresse absorbé par le sol

ça craque un peu partout

― interstices de lumière ―

les nuages s'accrochent à l'arrondi des montagnes
lignes de crête en fuite sous le vent

à peine

un filet de soleil dans le taillis
où j'hiberne

que sais-je ?
de ce que je veux
de ce qui m'habite

seule la lumière tapie dans les feuilles me dit que rien d'autre n'a de prix

sinon elle

je la suis
qui s'insinue entre les courbes

elle est si faible
qu'il ne restera d’elle que la promesse du soir

les feuilles carriolent autour de moi

― bruit de sabot léger ―

la mer roule sa rumeur sombre
au rythme régulier des vagues poussées au rivage
par une force que je ne vois pas

d'autres bruits trouent le silence

― cris de geais
froissements d'ailes
bris de branches ―

le vent frissonne en strates fines
je hume le parfum qui monte de la terre

solitude des seuils.

Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli


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