Plusieurs détestent l'hiver, surtout quand il neige beaucoup. Les rues trop étroites, les ruelles impraticables, les trottoirs glissants, rien de cela ne plait à personne, sinon à Paul qui regarde par la fenêtre de sa cuisine les légers flocons de la première tempête de l'année. Il n'est tombé que 5 des 20 centimètres mais déjà le vieil homme met son foulard, n'en pouvant plus.
Dans son garage, sa souffleuse est fin prête. Paul a bichonné et huilé sa mécanique tout l'été, et la Yardworks surdimensionnée semble trépigner, impatiente d'avaler la neige de la ruelle.
Si pour tout le monde, un hiver enneigé condamne à la réclusion, pour Paul, c'est la saison où ses voisins ont enfin le temps de lui parler, de prendre de ses nouvelles, de lui faire des blagues, de lui demander, comme ça, «ah, by the way, comme tu passes par là...», s'il pourrait faire un tour dans leur entrée de cour. Paul passe toujours par là quand il neige.
Comme l'an dernier et celui d'avant, il refusera leur argent. Il est bien trop heureux de se sentir utile.
Secrètement, le soir venu, seul devant son vieux poste de télé, Paul souhaitera qu'il neige encore le lendemain. S'il pouvait neiger jusqu'en juillet, il n'en serait que plus heureux.