Mille excuses à mes innombrables lecteurs (merci à vous deux (c) finipe) pour cette absence prolongée, mais le long exposé sur les dispendieux dégâts du ministère Darkos Vador m’a durablement épuisé.
Aussi, quoi de plus symbolique que de reprendre le chemin du clavier en cette Nème « journée d’action » décrétée par nos amis les enseignants, afin de prendre un petit jour de congé sans solde bien mérité ! Car enfin, excusez cette provocation chers collègues, mais je ne vois pas ce qui peut vous motiver d’autre pour que vous laissiez si volontiers une journée de salaire à ces j’en foutres, tant il est évident que cette Nème journée d’action fera autant d’effet à Luc Chatel que les N-1 autres ont fait d’effet à Darkos. Autrement dit, grosso modo l’effet d’un pet de mouche sur un diplodocus.
Pour ce retour - ce n’est que justice – parlons donc encore un peu de l’avenir laborieux de nos chères têtes blondes. Je ne sais pas pour vous, mais pour moi cette préoccupation devient chaque jour plus prégnante. Car enfin ce n’est pas la bravitude de notre Ségolène nationale qui devrait faire son entrée dans le dictionnaire (et le wiktionnaire), mais un autre néologisme dont la ressemblance phonologique avec le premier n’a d’égale que leur différence sémantique : la gravitude.
Pour brosser un peu le contexte, je n’exerce pas en ZEP, et ma classe de cette année est plutôt très bonne dans l’ensemble, cela fait même des années que je n’en ai pas eu d’aussi bonne.
En début d’année, nous avons lu un court roman policier, grand classique de la littérature de jeunesse, réédité à plusieurs reprises : « Le Crime de Cornin Bouchon ».
En voici le résumé :
Le narrateur et Foufouille sont deux enfants de l’assistance de 10 et 8 ans. Adoptés par Monsieur Magnat, ils vivent à la campagne dans la ferme de ce dernier. Les enfants ont vu leur voisin, un fermier assez acariâtre du nom de Cornin Bouchon, transporter une petite fille dans une couverture. Depuis, ils n’ont pas revu la gamine et sont persuadés que Cornin l’a assassinée. Punis par leur père adoptif pour avoir lancé des « œufs couis » (des œufs pourris) sur le mur de Cornin, ils sont décidés à prouver que c’est un assassin. Un mercredi, pour éloigner Cornin de chez lui, ils libèrent de son enclos son taureau Aldébaran. Pendant qu’il court après le taureau, les enfants en profitent pour pénétrer chez Cornin. Ils tombent nez à nez avec une petite fille couleur caramel qui hurle de peur en les voyant. A ce moment-là, Cornin revient avec Mr Magnat qui l’a aidé à rattraper le taureau. Explication : c’est sa petite fille à lui, il la cache parce qu’il a honte qu’elle soit noire (sa fille chérie lui a fait l’affront d’épouser un africain). Il reconnaît que c’est idiot, la punition est levée, ils vont pouvoir jouer tous les trois ensemble, tout est bien qui finit bien et personne n’a été assassiné.
Une fois que nous avons fini de le lire, je propose aux élèves une « production d’écrit » (ce qu’on appelait dans le temps une « rédac’ ») Le sujet : écrire une fin alternative tenant compte de cette phrase qui introduit une modification dans le récit :
« Foufouille et moi, on est cachés derrière un arbre. Au moment où Cornin sort avec sa trique pour aller rattraper Aldébaran, il parle avec la petite fille sur le seuil de la porte, lui donne des consignes, puis ferme la porte à clef derrière lui. »
Les productions d’un bon tiers de la classe m’ont totalement consterné, et c’est un faible mot. Je dois dire que ça m’a pourri toute ma soirée et une bonne partie de mon week-end. Il m’a fallu quinze bons jours pour préparer ma « riposte », tellement ça me laissait sans voix. En fait, c’est difficile d’en parler, ça se passe assez de commentaires, et pour que vous en soyez tout à fait convaincus, voici les pires en exclusivité.
Les productions faites par des spécimens mâles sont en bleu, celles faites par des spécimens femelles sont en rose, ce qui prouve que le bellicisme n’est plus la chasse gardée du sexe masculin.
Sources d’inspiration possibles : James Bond, Massacre à la Tronçonneuse.
Il coupe la porte avec une tronçonneuse et cherche le cadavre, il trouve la fille juste blessée. Cornin revient mais il voit que quelqu’un a coupé la porte, il trouve 007 et 009 et les attache à une chaise et met une bombe. Cornin part et à la 10ème seconde ils se libèrent et sauvent la petite fille et boum la maison explose. Cornin revient avec un bazooka, « tic » il appuie sur la gâchette, mais il n’y a plus de balle, mais il y a une balle dans sa poche et il dit :
- Je vais vous exterminer.
Et ils répondent :
- Nous on va t’exterminer et tu vas aller en taule. 009 dit : « et si il est mort comment il va aller en taule ». Je réponds : « Ah j’avais pas pensé ». Cornin dit : « Bon vous arrêtez vous (mot illisible). » « Tic » je prends la fille et je me jette par terre et boum ça explose. Cornin dit : « Ah je n’ai plus de balle » et je lui mets une bonne (deux mots illisibles) dans le ventre (le mot « zizi » est raturé avant « ventre ») et il dit : « Ah ! Mon ventre (le mot « zizi » est raturé avant « ventre ») ! » et la police passe à côté mais Cornin devait avoir prévu ça et il sort un pistolet et tire sur le policier mais il y avait des balles et le policier meurt et Cornin va en prison.
Sources d’inspiration possibles : Call of Duty Modern Warfare, 24 heures chrono, Blanche Neige (pour la dernière phrase).
Les enfants prennent le pistolet de Monsieur Magnat, ils montent dans l’arbre et ils tirent à côté du taureau pour qu’il aille plus vite, on est descendus de l’arbre et on est allés dans la maison et on a vu la petite fille presque morte et elle disait : « tuez-moi s’il vous plaît. » On a dit : « Dommage mais d’accord ». On est remontés dans l’arbre pour tirer, on a tiré à côté d’Aldébaran, une, deux, trois fois sauf à la quatrième on a tiré dans la jambe de Cornin Bouchon pour le ralentir, on est allés à la base militaire et on a enclenché le missile XXV280 et on a entendu « Boooom » et c’est tombé sur la maison à Cornin, on est rentrés, la maison était bousillée, et on a donné un coup de pied dans la porte et on a vu un tiroir à l’entrée qui s’est ouvert et on a vu le squelette de la petite fille tomber et s’exploser par terre. En rentrant Cornin Bouchon avec la jambe en sang tombe sur le palier et dit : « qu’est ce que vous lui avez fait ? » J’ai dit : « on l’a tuée Aaaaaah » en rigolant. Foufouille et moi on a dit : « On va te tuer parce que si papa apprend ça on retournera à l’Assistance ! Bye ! » et on a tiré « Boumm ». On est rentrés chez nous et on a dit que Cornin est allé raccompagner et allé habiter en Afrique. Papa a dit : « Tout est bien qui finit bien ».
Sources d’inspiration possibles : difficilement identifiables tellement c’est débile. Une parodie coréenne de Matrix, peut-être ?
Nous avec Foufouille on a vu la petite fille somnambule donc on l’a réveillée. Du coup, elle s’est suicidée. Nous on trouvait ça marrant qu’elle s’était suicidée avec des poules. Tout d’un coup Cornin Bouchon arriva et on lui a jeté des œufs couis et des veaux et du haut du toit on l’a balancé sur Aldébaran et il est mort ! Ensuite, Foufouille et moi on a fait la fête et on a bu du Champagne. Notre papa arriva, nous prit dans ses bras et nous dit :
- C’est bien mes garçons, on s’est enfin débarrassés de lui !
Sources d’inspiration possibles : Commando, Rambo, Delta Force, Fast and Furious, Catch Attack.
Moi je trouve un bazooka et j’appuie sur n’importe quel bouton et j’explose la moitié de la maison. Il reste la chambre, la cuisine et la salle. Et d’un coup il y a une pluie de pièces, Foufouille et moi on récupère les pièces. Foufouille dit : « Je crois que j’ai compris, on a eu le coffre fort de Cornin Bouchon. » Après je prends l’ordinateur de Cornin Bouchon et je commande une ferrari. Foufouille prend le bazooka et explose la grange de Cornin. J’ai une idée, Foufouille met des œufs couis dans le bazooka… et Cornin arrive, je lui dis : « Eh Crotin Pochon attrape ça ! » et je lui envoie 5 œufs cuis dans la tronche. Il tombe dans les pommes, sauf que… Aldébaran charge et je dis : « Vite ! Munitions ! » et Foufouille fouille dans sa poche, trouve un hologramme, il scanne Aldébaran et Aldébaran a peur. Cornin Bouchon croit au démon. Il se relève et tue Aldébaran. Et Foufouille avec excès de colère (il adore les animaux) prend une tronçonneuse et tue tout le monde sauf moi et Monsieur Magnat. Je dis : « faut cacher le cadavre ! » Foufouille dit : « Ouais ! On va dire que c’est Cornin Bouchon ! » Je dis : « Ouais ! Mais… C’est lui Cornin Bouchon ! » Et ma Ferrari arrive, 111 500 € la Ferrari c’est pas donné mais une de course ça va. Le livreur voit les cadavres et dit : « Vous… Vous les… a… avez… tu… tués ! » Foufouille prend un calibre 12 et « Pan ! » dans l’estomac. « Bien visé frérot ! » Et comment on fait pour transporter Aldébaran ? Mmmm… La Ferrari dit Foufouille, eh oh c’est ma Ferrari, allez bon d’accord c’est parce que c’est toi. Eh mais on n’a pas oublié quelque chose, la fille !
Je dis : « J’arrive avec un bourrin ! » Boom ! Foufouille applaudit l’artiste. J’appelle (ici énumération logorrhéique de plus de 20 noms propres anglo saxons écrits en franglais, se référant probablement aux stars du catch américain), etc… Et je dis : « On va les exploser ! » « La fille ! » dit Foufouille. Je prends la fille et je la conduis jusqu’à l’Assistance. Les catcheurs arrivent, tout le monde est là ! Les gars de l’Assistance arrivent et… Pif ! Paf ! Boom ! (Batista Boom) Pof ! Pig ! Pag ! Aaaaah ! Yaayah !!!!! Après la guerre (sans armes), tous se sentent bien sauf trois, Edge, Umaga et Lena Yada. Je dis : « On a gagné ! » Chez Monsieur Magnat, ils jouent à la guerre aux œufs couis. Foufouille dit : « allez on récupère les cadavres ! » On emmène les blessés à l’hôpital. Ils me disent tous : « on s’est bien marrés ! » On retourne chez Monsieur Magnat. On n’entendit plus parler de Cornin Bouchon et d’autres voisins plus gentils, une mère, un père, un fils qui s’appelle Kévin et on s’amuse bien avec lui.
Sources d’inspiration possibles : Thriller de Michael Jackson, Twilight, Frankenstein.
Il grimpe sur l’arbre pour sauter sur la maison. Il casse le toit et il entre, il voit une hache pleine de sang, à côté il y avait une poule sans tête. Ils descendent, ils voient un fantôme qui est en fait la petite fille. Ils courent pour aller se réfugier. Ils voient un chat noir, ils marchent sur la queue du chat, ils tombent, ils cassent le miroir et après ils passent sous l’échelle. Ils voient le fantôme ils la jettent par la fenêtre. Ils s’en vont, ils prennent la hache, ils sortent, ils attendent que Cornin Bouchon arrive. Le narrateur prend la hache il se retourne et il tue Foufouille. Il cache le cadavre dans le poulailler. La nuit tombée il se transforme en loup-garou. Cornin Bouchon arrive, il le mord pour le tuer, Cornin Bouchon meurt. Le narrateur rentre chez lui et là il se transforme en zombie. Monsieur Magnat le voit en zombie, du coup il prend un couteau pour le tuer. Mais le zombie est invincible alors après Monsieur Magnat fuit. Il se cache chez Cornin Bouchon. Le zombie fouille toute la ville et il ne trouve rien. Alors il va chez Cornin Bouchon et là le combat commence Monsieur Magnat voit un vrai fantôme qui lui dit viens par ici. Monsieur Magnat réussit à s’échapper par malchance le zombie le voit et Monsieur va chez lui pour partir loin d’ici il va en Espagne. Le zombie le suit il demande aux gens où habite Monsieur Magnat. Ils disent 11, avenue des grottes de chien. Il va dans la rue il voit plein de merde partout. Il est chez Monsieur Magnat, il rentre, il reconnaît son meilleur copain. Il prend la hache et il lui découpe tous les membres. Après il se cache mais Monsieur Magnat ne revient pas au bout de un mois. Un an plus tard Monsieur Magnat habite en Amérique, il est le garde du corps de Michael Jackson, le zombie va chez Michael pour voir son père et il tombe sur Michael, du coup il lui donne beaucoup de (mot illisible), après son père vient, il voit Michael mort, du coup il crie il va en prison donc il peut pas tuer son père pendant 6 ans. 6 ans plus tard Monsieur Magnat est libéré de prison, il habite en Suisse, le zombie se transforme en vampire, vole en suisse, va chez son père, il entre, il voit son père mort, du coup il prend un couteau et se tue.
Sources d’inspiration possibles : The Butcher, American Psycho, La Momie.
Cachés dans un arbre, le narrateur et Foufouille attendent que Cornin parte, ils cassent une vitre, ils entrent dans la maison, ils cassent la porte du salon, ils voient un revolver, ils tirent et tuent la fille, après ils voient une hache, ils coupent la tête de la fille morte, le narrateur tue Foufouille avec la hache.
Le narrateur remarque que Cornin Bouchon arrive avec Monsieur Magnat. Je me suis sauvé par la fenêtre cassée, je vais prendre des œufs couis et je les jette sur Monsieur Magnat et Cornin Bouchon, et Cornin Bouchon fond et Monsieur Magnat évite les œufs couis. Le narrateur se transforme en momie, il pousse Monsieur Magnat dans une tombe avec des lames tranchantes. Il va voir Aldébaran qui est le taureau de Cornin Bouchon. Le narrateur remarque que Cornin Bouchon n’était pas mort, c’était son voisin qui était avec Monsieur Magnat. Donc j’ai décidé de les tuer tous les deux d’un coup de hache.
Sources d’inspiration possibles : j’ai pas de mots, là...
Le narrateur et Foufouille vont chercher un lance-roquette puis le narrateur et Foufouille se dirigent vers la porte et « Boom ! » la porte a volé, puis les deux enfants rentrent dans la maison de Cornin Bouchon et cherchent la petite fillette. Ils cherchent dans la cheminée, rien, dans la chambre, rien, dans la salle à manger, rien, dans les toilettes, rien, sur le toit, oui. Ils sont allés chez le cordonnier prendre une échelle puis retournèrent sur le toit de Cornin Bouchon le narrateur et Foufouille et la petite fillette dit : « Tuez-moi s’il vous plaît ». Le narrateur dit « Ok ». Le narrateur redescend de l’échelle pour reprendre la hache et remonte sur le toit et coupe la fille en deux, on voyait tout ce qu’il y avait dedans, pour moi c’était trop cool. Comme maintenant je suis un expert en catégorie tuer je peux m’engager à l’armée.
Le sergent m’a dit « ok, voyons ce que tu peux faire, tue quelqu’un. » D’accord dit le narrateur, il tire sur le sergent et mince dit le narrateur, de toute façon c’est pas de ma faute, il m’avait dit de tuer quelqu’un. Puis le narrateur rentre chez lui.
Voilà l’étendue des dégâts.
Je précise que tous les auteurs de ces joyaux de littérature moderne (postmoderne ?) ont un niveau scolaire qui va de convenable à excellent, des parents d’une catégorie socioprofessionnelle moyenne à élevée, avec un taux de divorce et/ou de famille recomposée tout à fait conforme à la moyenne nationale (je dis ça pour les bien pensants).
Bref, il est grand temps d’arrêter de les laisser regarder n’importe quoi à la télé, et aussi plus que grand temps d’arrêter les jeux video rambomaniacs dès qu’ils sortent de la maternelle (voire du berceau).