Plus tôt que prévu, je reviens. On ne peut pas rester si longtemps sans écrire un mot qui vienne de soi, c’est comme si on nous demandait de ne pas parler pendant des semaines. L’écriture professionnelle des rapports et des projets nous assèche, finit par nous angoisser. On croit qu’on s’enferme dans une langue de bois.
Avant d’écrire à nouveau, j’ai relu un peu ce que j’avais mis sur le blog. Ce n’est pas par narcissisme, c’est pour comprendre, essayer de me comprendre. Le blog est mon psy. Il est étrange que mon dernier billet, consacré à la mort de Lévi-Strauss, traitait de l’incommunicable, un billet à vrai dire qui m’est aussi opaque qu’il a pu l’être à mes lecteurs. Je crois en un incommunicable propre à chacun. Au niveau d’une culture je ne sais pas. Ne parasitons pas cela avec le débat sur l’identité nationale s’il vous plaît. Rien à voir. Je sais qu’on a voulu instrumentaliser Lévi-Strauss dans ce débat. Mais ce dont il parlait c’était des cultures indigènes, si fragiles. Nos cultures à nous sont dans la diffusion et le mélange depuis bien longtemps, et puis rien à voir avec l’idée de nation (Lévi-Strauss lui-même, on l’a entendu là-dessus dire que cette idée avait été responsable de bien trop de désastres aux siècles passés pour qu’on la valorise). Une nation c’est un hymne et un drapeau, ce n’est pas une culture. Dans « Feuilles oubliées, feuilles retrouvées », François Roustang extrait de Winnicott une citation qui va dans le sens de l’incommunicable. Il dit que la non-communication est aussi importante que la communication. « Sans doute est-ce cet élément que l’on doit atteindre à la fin d’une psychanalyse, cet élément qui est interdit à la compréhension » (p. 56).
Mais si je parle de ça dans mon dernier billet c’est aussi de ma part l’expression d’une hantise : celle de se murer dans cet incommunicable.
Dans le « Tiers-Instruit », Michel Serres dit que les philosophes du langage n’utilisent que très peu de mots, et c’est ce qui lui fait peur. Ne dites pas, dit-il, faites, même quand vous dites. Le sens se gagne en marchant.
(Lomé - Togo)
Dans quatre jours, je pars pour Lomé (Togo) afin d’y présider un jury de thèse, et d’intervenir dans un colloque sur « Science et NEPAD ». Le NEPAD est le nouveau partenariat pour ledéveloppement de l’Afrique, enfin il était nouveau quand il a été voté par l’OUA en 2001. Que vais-je dire ? Je vous tiendrai au courant. Une piste : ces temps, Michel Serres m’inspire. (voir ici la video de sa conférence pour les cinquante ans de l’INRIA) Je parlerai sans doute du trait d’union possible entre une Afrique d’où est née la culture (et les mathématiques, voir mon ancien billet sur le bâton d’Ishango ) et l’Afrique très moderne où l’on installe des centres de recherches en mathématiques (cf. « Le Monde » de samedi dernier ).
La convocation pour le jury de thèse contient cette ligne : « le port de la toge académique de l’Université d’attache est de rigueur pour la soutenance ». Désolé. Je n’ai pas de toge. Jamais pensé à en demander une. Une toge pour le Togo… Au secours !