I
PARIS,
Sarah Bringman est ce que l’on peut appeler une femme d’influence. Il ne peut qu’en être ainsi lorsqu’on dirige une des entreprises les plus capitalisées au monde. Superviser le développement d’une entité tentaculaire tout en répondant aux moindres exigences d’actionnaires assoiffés d’argent requiert des compétences exceptionnelles. Comme sur un échiquier géant, la partie peut soudain s’achever. Il suffit d’une rumeur, d’un déclin de l’action ou de suspicion de délits d’initiés pour que les dents d’acier du système se referment inexorablement.
Sarah est adulée par ses pairs et respectée par ses détracteurs pour sa virtuosité dans l’art d’orchestrer les différents courants insidieux du business.
Elle sait astucieusement arborer les différentes facettes de sa personnalité au gré des situations.
Tantôt négociatrice d’élite armée de son attaché case et de ses tailleurs stricts, tantôt femme moderne pull large et jean délavé foulant le bitume dans les rues de Paris, tantôt femme fatale, robe de soirée haute couture et rivière de diamant ornant son cou gracile. Quel que soit le milieu, Sarah semble dans son élément.
Sarah Bringman possède une beauté universelle associée à un charme raffiné. Un diamant brut dans un écrin de soie.
L’écrin de soie…
La soie est une matière sécrétée par certains anthropoïdes sous forme de fil fin et brillant. Fragile. C’est l’adjectif qui parfait la description de Sarah Bringman. Derrière la citadelle crénelée, pousse un jardin de roses flamboyantes et éphémères. Une pulsation ténue se répand dans l’air embaumé. Un rien pourrait l’éteindre définitivement.
Sur les nombreux magazines qui en ont fait leurs couvertures, un observateur attentif pourrait capter un reflet furtif, un sourire en demi-teinte ou une posture peu assurée. Le genre de clichés pour lesquels on ne s’est pas préparé, une photo volée d’une certaine réalité secrète. Car, en dépit des lourdes responsabilités qui lui incombent et de la pression relative à son standing, Sarah cultive un mystère, profond et douloureux. Connu d’elle seule. A la manière d’une épine enfoncée dans la peau dont un simple effleurement peut raviver la douleur intense.
Les affres du passé attendent souvent ces instants de faiblesse pour se répandre, rampant comme des rats affamés, les yeux brillants, crocs découverts.
Aujourd’hui, face à ses souvenirs pernicieux et envahis de rires enfantins, Sarah n’est autre qu’une femme. Et son cœur pèse plusieurs tonnes.
La disparition de son fils Thomas, dix ans auparavant, fut le drame de sa vie. C’est après avoir réalisé la longueur du chemin à parcourir avant que le chagrin ne s’amenuise qu’elle décida de se lancer corps et âme dans son travail.