La tentation du sacré
Jean-Michel Basquiat se rend en Afrique en 1986 pour la première fois (ci-contre l’artiste à Assinie en RCI ©M.Le Houelleur), pour y présenter une exposition dont l’impact n’a sans doute pas été à la hauteur de ses attentes (cf. précédent article Basquiat en Afrique 2 ).
Deux ans plus tard, peu avant sa mort, il projetait de retourner en Côte d’Ivoire, pour une toute autre raison…
La plus grande voix afro-américaine militante dans le monde ultra-mondain et bourgeois de l’art nord-américain à dominante blanche, Jean-Michel Basquiat, n’a pas eu le temps de faire entendre à l’Afrique et aux artistes du continent noir, les exclamations puissantes de son oeuvre, destinées autant à lui-même qu’aux mondes noirs, libres et opprimés, auxquels ses origines biologiques le rattachaient.
D’origine mi-haïtienne mi-portoricaine, Basquiat naît en 1960 à Brooklyn, et meurt avant d’atteindre l’âge de 27 ans. Le 12 août 1988 plus exactement. Il meurt dans son atelier des suites d’une overdose.
Plusieurs biographies convergent: Basquiat était sur le point de quitter New York pour aller vivre en Afrique. On retrouve dans ses affaires des billets d’avion pour Abidjan datés du 18 août.
La thèse d’un départ définitif imminent a été confirmée par le témoignage d’un de ses amis qui l‘a rencontré quelques temps avant, Vincent Gallo , un autre enfant de la Factory de Warhol, avec qui il fonde un groupe de musique, “Gray” ( ci-contre au milieu, Basquiat et Gallo avec les autres membres de Gray).Le fait que, deux années à peine après son exposition en Côte d’ivoire (octobre 1986), Basquiat décide d’y retourner, n’est pas anodin. Avait-il réellement l’intention de s’y établir ? La question reste sans réponses.
Ce dont on peut être certain par contre, c’est que l’idée d’un retour en Afrique aurait germé dans l’esprit de l’artiste à la suite de sa rencontre avec un autre peintre et artiste d’origine ivoirienne, Ouattara (et non «Outtara» comme on peut le lire parfois), aujourd’hui connu des salles de vente sous le nom de Ouattara Watts.
La rencontre a lieu à Paris en janvier 1988 lors de l’exposition Basquiat à la galerie Yvon Lambert . Ouattara se rend à cette exposition et racontera plus tard que Basquiat s’est spontanément présenté à lui d’une manière fraternelle, en posant son bras sur son épaule. Il croit d’abord à une plaisanterie, pensant que l’homme qui s’adresse à lui se fait passer pour Basquiat. Mais ce dernier lui demande s’il est artiste et l’exhorte à lui montrer ses oeuvres. Ensemble ils se rendent au studio de Ouattara, et nouvelle surprise pour l’artiste ivoirien, Basquiat lui déclare qu’il aime beaucoup son travail et décide de lui acheter la totalité de sa collection. De là naît une amitié et une complicité qui sera hélas de courte durée, mais qui propulse Ouattara sur la scène artistique new-yorkaise.
Vrej Baghoomian dans l’atelier de Basquiat à NY, en 1988. A droite, une photo célèbre de Basquiat surlaquelle on peut voir des objets africains, sans rapportés de son voyage en Côte d’Ivoire en 1986. Les deux photos ont vraisemblablement été prises le même jour.
En effet, à son retour à NY, Basquiat montre les oeuvres de Ouattara à Vrej Baghoomian, son nouvel et dernier agent. Peu après, il demande à Ouattara de le rejoindre à New York. Baghoomian prend ce dernier sous son aile, l’intègre à son catalogue et lui offre un an plus tard sa première exposition personnelle.
(suite et fin le 17/12/09 , “Samo the initiated”)
NJ