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Le retour à la lumière

Publié le 21 décembre 2009 par Honorquest
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B:
Aigle Bleu, pouvez-vous nous dire comment vous réagissez à cette période de célébrations de Noël et du Nouvel An, en tant qu’Amérindien ?
AB : Noël a un impact social et commercial tellement considérable en Amérique du Nord, que rares sont ceux qui ne le fêtent pas, ne fût-ce que dans son aspect séculier. Beaucoup de Premières Nations ont accepté les enseignements de Jésus Christ, dans lesquels elles puisent espoir et inspiration. Elles célèbrent Noël comme la plupart des Chrétiens à travers le monde.
C’est aussi la période du solstice d’hiver, et pour ceux qui ne célèbrent pas Noël, cela reste néanmoins un temps de célébration. Quant au Nouvel An, en réalité dans notre tradition il débute le jour du solstice d’hiver, qui marque le moment où les jours commencent à devenir plus longs. Une nouvelle année commence. Cependant, là aussi, à cause de l’impact socio-économique des fêtes du Nouvel An en Amérique du Nord, rares sont ceux qui ne fêtent pas ce jour.
Je voudrais citer, afin de donner plus de consistance à cette réponse, un extrait de mon ouvrage le plus récent, qui doit être réédité en français en février prochain. Ce livre s’intitule Le Sentier de la Beauté :
"Trois mois après l’équinoxe d’automne vient le solstice d’hiver, qui donne lieu à la Fête de la lumière intérieure. Nous vivons alors les journées les plus courtes et les nuits les plus longues de l’hiver. C’est la période de l’année où les forces de l’obscurité ont le plus de pouvoir. C’est le temps, pour le guerrier de lumière, de manifester ses qualités. Nous voulons incarner la lumière intérieure qui va briller et vaincre l’obscurité. Cette cérémonie comporte vingt-quatre heures de veille et de vigile. Une personne pratique devant l’autel toute la nuit et d’autres gardent le feu sacré.

Je me souviens d’une année où le froid était tellement intense que les arbres craquaient. Le givre se déposait tout autour des troncs d’arbres et des branches. Le lendemain matin, le paysage s’était paré de l’éclat de mille diamants. Quand le soleil s’est levé, la nature s’est illuminée d’innombrables arcs-en-ciel minuscules. Je n’étais pas chaudement vêtu cette nuit-là et je devais garder le feu toute la nuit. Ma chienne, qui n’est plus de ce monde, était alors avec moi. Je l’avais couchée sur mes genoux et l’abritais sous une couverture pour nous réchauffer. C’est d’elle que j’ai appris comment survivre au froid. Même sous les couvertures, elle avait froid. Elle tremblait, puis se détendait, tremblait, puis se détendait. Alors j’ai suivi son exemple. Je tremblais, ce qui provoquait de la chaleur, puis je me détendais et la chaleur me remplissait. La nature est toujours là pour nous enseigner comment faire.

Durant cette nuit de veille, nous éteignons tous les feux dans nos maisons. Nous cherchons et cueillons un sapin qui représente l’année qui vient, le nouveau cycle qui commence. À partir du jour du solstice, la lumière va aller en augmentant et les jours vont rallonger. La lumière à l’intérieur de nous est en relation avec la lumière à l’extérieur de nous. C’est la période de l’année où les forces de l’obscurité sont les plus fortes, et cette étape marque le début du retour de la lumière. Nous choisissons un sapin qui symbolise la nouvelle année, jeune, équilibré et beau. Avec beaucoup de prières et de cérémonies, nous le ramenons à la maison. Nous coupons les quatre branches du bas et nous en servons pour balayer l’ancienne année. Nous nous promenons partout dans la maison en chantant et en balayant l’air avec les branches de sapin, sur les murs et autour des objets. Nous brûlons ensuite ces branches dans le feu sacré et les énergies de l’année qui se termine se consument. Nous installons notre arbre à la place d’honneur et le garnissons de nos souhaits pour l’année à venir. C’est une belle célébration avec les enfants. Nous créons une magie sympathique par des représentations visuelles que nous plaçons comme décorations dans le sapin.

Pendant la nuit qui suit, les hommes gardiens du feu vont cultiver l’attitude du guerrier, l’attitude de celui qui garde la lumière toujours vivante. C’est le feu de la conscience, le feu de la veille, notre dévouement pour acquérir de la sagesse pour le plus grand bien des tous les êtres. Le symbole du feu est celui de la victoire de la lumière et de notre divinité que nous cultivons en étant éveillés et vigilants.

Le lendemain matin, après notre lutte contre le sommeil et les forces de l’obscurité, la lumière revient dans le monde. Le guerrier a vaincu les forces de l’obscurité, c’est la victoire de la lumière, c’est l’illumination qui remplit le monde avec la clarté de l’éveil. Nous célébrons alors le lever du soleil près du feu sacré. Ses braises serviront à rallumer les feux dans les maisons. Ce sera un feu nouveau, celui de la victoire. Il réchauffera non seulement nos maisons, mais apportera à nos vies une lumière spirituelle. Pour terminer, un festin. Nous l’avons bien mérité. Bien que ce soit la plus courte des cérémonies de changement de saison, elle en demeure l’une des plus intenses."
Tous mes meilleurs vœux pour un lumineux temps de réjouissances!!
Aigle Bleu

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