Fin de l'année, l'heure des bilans. Nathalie marche dans la rue et ses pensées s'organisent en deux catégories : les
choses faites, les choses à faire pour l'année prochaine). Elle pense à cela pour se rassembler un peu (étrange comme pour se rassembler, on éprouve le besoin de dissocier tout d'abord l'être et
le faire, puis de trier dans le faire, selon le mode possible de conjugaison : participe passé ou impératif).
Elle pense à cela et ressent comme chaque année l'immense poids de l'impératif encore à venir. L'impératif à venir, comme dernier colmatage possible contre le sentiment d'érosion que provoque les
choses non abouties.
Nathalie marche dans la rue et voit sur le sol mouillé un puzzle éparpillé. Elle trouve que cela ressemble à sa vie : des petits bouts épars dont elle voudrait penser qu'une cohésion finale a été
prévue, mais c'est comme si ce dessein initial était définitivement perdu.
Ne restent que des fragments, des morceaux de ciel qui pourraient s'emboiter peut-être encore, des morceaux de sens.
Ainsi va Nathalie en cette fin d'année. Sur le sol mouillé elle marche, elle sait qu'elle n'atteindra pas l'exhaustivité. Quelques articles courts pour décrire toute une vie, c'est bien peu.
Quelques graphiques pour dessiner une figure humaine. Et le temps qui manque, toujours, pour façonner les cohésions.
On peut la regarder marcher encore dans cette rue froide, s'éloigner. On verra bien si elle s'y retrouve un jour, dans cette rue ou sur ces pages, pour tenter de raccorder un morceau d'elle-même
à ceux déjà publiés.