Sur internet, c'était la révolte. La guerre ouverte des fans contre la justice. Ils croyaient à son innocence dur comme fer et souhaitaient mettre en place une tactique afin de le libérer le plus vite possible. Ils n'eurent pas à mettre en application leur plan. La maison de disque lui avait offert les services d'un grand avocat. Elle avait plus d'intérêt à y gagner en lui assurant sa sortie qu'en le laissant enfermé. En effet, cette affaire eu un boom retentissant sur les ventes de disques. Les albums s'arrachaient en soutien à la pauvre victime qu'il était. Un martyr, un poète maudit. Je ne supportais plus d'entendre les gens prendre sa défense constamment. Tout le monde s'était finalement rangé de son côté. Même les médias. Finalement, au bout de plusieurs semaines de bataille juridique et populaire, la supposée victime informa elle même la presse qu'elle avait inventé cette histoire de toute pièce. Rejetée par RS, elle n'avait pas supporté de se voir interdire l'accès à sa chambre. Alors, pour se venger, pour qu'il paye d'une manière ou d'une autre, elle avait lancé la rumeur comme quoi il aurait abusé d'elle. Et lui, toujours trop soul ou drogué, n'avait évidemment ni pu affirmer ni réfuter cette déclaration. Il avait le cerveau tellement ravagé qu'il ne se souvenait plus de ce qu'il avait fait la veille. D'ailleurs, pour les concerts, une parade avait du être trouvée afin de parer à ce problème. Laquelle ? Personne n'avait laissé filtrer l'info. Un prompteur ingénieusement dissimulé ? Une sorte de souffleur ? Un cd « live » déjà enregistré en studio et rediffusé pour donner l'impression qu'il chantait alors qu'il n'effectuait qu'un playback ? A vrai dire, je n'en avais aucune idée et je m'en foutais royalement. Il avait été blanchi malgré les preuves retrouvées ? Tant mieux pour lui ! On allait peut être pouvoir nous foutre la paix avec cette histoire et passer à autre chose. Il devait retourner dans les oubliettes de mon cerveau où une place l'attendait bien au chaud.
Pendant tous les rebondissements de cette affaire, j'avais continué mon travail rédactionnel. Le premier
numéro auquel j'avais participé était sorti et avait bien marché. Pas d'explosion des ventes parce que j'en faisais partie. Non rien de tout cela. Juste la continuité du nombre de tirages auquel
ils étaient habitués. Le rédacteur en chef c'était montré satisfaits de ce que j'avais rédigé. Il me laissa le choix des artistes que j'allais rencontrer au numéro suivant. Je fis pencher vers le
rock de préférence. Evidemment. Et à défaut, je me tournais vers deux petites gamines qui faisaient de la pop gentillette. Pas de quoi révolutionner le monde musical. Mais j'arrivais maintenant à
concevoir que de tels titres puissent plaire à un jeune public en les faisant rêver par des paroles pas trop compliquées. Surtout, je déchiffrais maintenant leur succès : les parents adhéraient
eux mêmes aux chansons. Rassurés de voir que leur progéniture ne se dévergondait pas trop avec des textes corrompus, ils étaient les premiers à les encourager à écouter de la musique et surtout
les artistes qu'ils avaient choisis. Ceux qui passaient en boucle à la TV avec leur clip tout rose et fruité, ceux qui squattaient les premières places du top 10 des ventes avec pour mot le plus
grossier « zut » et où la rébellion s'affichait par un « J'suis pas ok ».