Ce que les gens laissent sur Face Book, ce sont juste des traces. Des traces qu’ils veulent signifiantes d’eux-mêmes et qui leur perdurent. C’est bizarre, du reste, que sur ce livre de face, on n’apparaisse que par un profil, comme les Egyptiens se représentaient sur… leurs murs.
Ce que les gens offrent ainsi est une métonymie d’eux-mêmes, comme si la partie allait représenter le tout, comme si, de ces quelques miettes figées, leur être allait se dessiner malgré le devenir. On ne se définit dans ce territoire que par ce qu’on montre aux autres. Face Book est une usine à leurres, un feu d’artifice où l’identité se fige sur un écran de façade. C’est un système complexe de politesses et d’évitements où nul n’apparaît jamais en même temps que l’autre, comme ces horloges où tour à tour, en une spirale, apparaissent les personnages de bois, figés, raides et vernissés, aux couleurs éclatantes. Personnages miniatures et éternellement schématisés.
Un kaléidoscope de signes, une forêt bigarrée d’images passe sous vos yeux en une fourmillante fixité. Vous n’avez de cesse de scruter, encore et encore, ce flux incessant où tout s’actualise, de lien en lien, en une immense plage uniforme faite d’ombres d’autrui. Le plaisir immense de ne rencontrer personne et celui, en retour d’être le maître des signes, le peintre affairé à son auto-portait numérique, comme si être, c’était fondamentalement être un avatar, une re-présentation de soi-même.
Je colle ici cette vidéo d’une inconnue et qui résume son année et qui résume aussi bien ce que j’essaie de dire, cette impression de rencontrer personne tout en voyant énormément de monde ; cette ultra moderne solitude.