Pays riches... et moins riches

Publié le 23 décembre 2009 par Diekatze

Certains jours apportent plus de surprises que d’autres, tout le monde sait ça. Parfois, rien n’arrive entre votre lever et votre coucher, la journée s’étire lamentablement en petits riens dérisoires et routiniers que vous oubliez sitôt vécus, et lorsque vous fermez les yeux avant de vous endormir, vous vous demandez presque en quoi il était utile de la vivre, cette fichue journée.

D’autres jours par contre, les surprises pleuvent, et pas que des bonnes. Prenons vendredi dernier. Un exemple au hasard. Il est environ 11 heures dans la matinée lorsque mon propriétaire toque à ma porte. Je m’étonne de le voir étant donné que jusqu’à présent, c’est Madame qui a assuré les relations publiques, Monsieur, très sympathique par ailleurs, jouant plutôt les désintéressés distants. L’affaire s’annonçait sérieuse.

Tout d’abord, il me remit un colis arrivé à mon nom. Comme je n’ai pas de boite aux lettres personnelle, il me faut en effet attendre que Monsieur ou Madame trouve une minute et aussi l’envie de m’apporter mes nouvelles du jour. Un colis miraculeux, contenant un vin français (ici, comptez mille points d’exclamation et vous aurez une idée de ce que j’ai ressenti en ouvrant la boite), dont je vous narrerai l’histoire un autre jour.

Malheureusement, Monsieur Proprio avait aussi apporté sa facture d’Internet avec lui… Et là, j’ai moins rigolé ! Enfin, pour dire vrai, j’ai beaucoup rigolé, mais c’était nerveux. Ricané donc. Jaune.

En France, riches que nous sommes sans en avoir la moindre conscience, pour 40 euros par mois nous avons internet illimité, téléphone presque illimité, télévision en ligne, que sais-je encore. Comme j’étais encore parmi vous il y a peu et que je suis une vraie fan d’Internet, j’ai pris l’habitude d’avoir une consommation assez élevée de l’outil : je reste connectée du matin au soir, et je vogue de podcasts en vidéos, de téléchargements en jeux en lignes, de plans et cartes en dictionnaires, de vente par correspondance en bandes-annonces cinéma, je vous en passe et des meilleures.

Lorsque j’ai emménagé ici dans ma petite maisonnette, Monsieur Proprio, le technicien du couple, m’a gentiment offert d’utiliser gratuitement sa connexion internet, puisqu’il avait souscrit, m’a-t-il dit, un forfait très intéressant. Mesurant naïvement la taille dudit forfait à ses grands yeux ébahis et enthousiastes, je le considérai semblable à nos forfaits français. Me voilà donc profitant allègrement de tous les plaisirs audiovisuels que peut offrir cette technologie extraordinaire, papotant joyeusement sur Msn avec Webcam et prenant des nouvelles de vos tempêtes de neige et de notre bon vieux Johnny par les podcasts de France Inter ou le visionnage des émissions de Canal + (pour des motifs juridiques qui m’échappent, les autres chaines de télé françaises ne peuvent diffuser leurs émissions en dehors de la France…). Toute contente, je dois le dire, parce que je ne capte pas de radio ici (ou si peu, deux stations vieillottes et crachotantes), et la télévision, que je n’aimais déjà pas en France, me défrise tout le système pileux avec ses publicités criardes et débiles (mais ceci est un pléonasme) toutes les dix minutes.

Sauf que tout ça c’est fini. Car tout extatique que le forfait souscrit rende mon propriétaire, il n’a rien à voir avec ce dont j’avais l’habitude. Le forfait en question coûte environ 240 $ par mois (120 €), ce qui représente déjà un bon prix. Et là, Monsieur Proprio, tout déconfit, me présentait en tremblant une facture de 959 $ (ici encore, mille points d’exclamation) ! Glurps, la nouvelle et ma salive étaient dures à avaler…

En réalité, lorsque nous, Français, raisonnons en heures de connexion, les Néo-Zélandais pensent MegaBytes (MB) et GigaBytes (GB), le GB valant 1000 MB. Le forfait souscrit par mon propriétaire lui dévolue 10 GB par mois. Mon utilisation d’internet à la française représente une consommation moyenne mensuelle de 30 GB ! On en apprend des choses quand on part à l’étranger !

Monsieur Proprio et moi avons déployé moult charmes téléphoniques pour tenter d’obtenir de son fournisseur d’accès que cette ignoble facture soit revue, arguant de mon innocence d’enfant gâtée de l’Europe qui, comme les juifs lorsqu’ils ont crucifié Jésus, ne savait pas ce qu’elle faisait. Et, docile, j’apprends à utiliser cette technologie "à la Kiwi", et j’ai ramené ma consommation de 1200 MB par jour à 200. Mais la vie me parait moins fun, d’un coup !

Et c’est comme ça que peu à peu, en découvrant ce joli pays, je prends conscience de la chance que nous avons, occidentaux de pays riches. Chez nous, tout est facile, tout est perfectionné, à la pointe, accessible. La Nouvelle-Zélande, qui n’est pourtant pas un pays pauvre, ne peut absolument pas rivaliser avec ses 4 millions d’habitants. L’industrie est rare ici, et le pouvoir économique est basé presque exclusivement sur Auckland qui compte à elle seule un tiers de la population du pays. Pour le reste, même si les gens vivent bien dans l'ensemble, l’argent manque dans les caisses nationales, et c’est pourquoi, entre autres, les maisons ne sont toujours pas isolées contre le froid : l’Etat n’a pas les moyens d’assumer les subventions qui inciteraient les gens à faire faire les travaux. Il en va de même pour les infrastructures routières, les trains (quasiment inexistants), les prestations sociales, dérisoires, mais aussi l’écologie, point faible du pays contrairement à ce qu’on pourrait penser. Sans oublier, donc, le réseau internet…