Tarabuste, Collection DOUTE B.A.T.,
décembre 2009.
« DANS L’INFINI BLEU », DIT LE POÈME.
La traversée des Jardins de Marielle Anselmo est une invite au presque silence. À l’effacement du souffle et de soi. Passer d’« Un Jardin » à « Une Nuit », du « Feu » aux « Îles » (I, II) se fait sur la pointe des pieds, dans la plus grande retenue d'une caresse qui s'ébauche. L’œil écoute. Ce peu de mots qui mène à la rencontre.
Peu de mots, comme des grains semés sur la page ; des poèmes brefs, ponctués de blancs. Espaces de respiration, de légèreté. Sans rupture ni ponctuation, sans majuscules. Chaque texte ajoute, d’une page à l’autre, sa résonance propre. Peu à peu, la situation s’inverse, et les jardins habitent la promeneuse, diffusent au plus profond des fibres, lumière et beauté. C’est qu’en dépit de l’économie du dire, les mots posés sur la page continuent de murmurer leur chant de douceur et de paix.
Composé de quatre sections, le recueil Jardins est la quête ― modeste mais essentielle ― d’une histoire perdue, terre et enfance, frère et amour, en même temps que l’attente d’une écriture.
« au bord
de ma propre histoire
perdue »
Tels sont les mots de l’ouverture du premier recueil.
« cherchant la forme du poème » est la phrase-clé, isolée sur la page, qui clôt le dernier recueil.
Entre ces deux temps d’arrimage aux poèmes, d’autres images surgissent, toute une végétation de plantes luxuriantes, fleurs et terres insulaires, odorantes, activités anciennes des pêcheurs, gestes séculaires et bientôt oubliés, sables et lumière, lumière et langue. Et toujours ce qui se dit dans une extrême douceur, un effleurement à peine, c’est la perte. Perte de la « promesse » et perte du visage aimé, perte du frère et perte de soi. Au-delà, perte de l’enfance et du monde qui en constituait la beauté, la confiance, l’éclat. Séparations, disparitions. Jusqu’au constat douloureux :
« tous les mots de la langue
sont perdus »
Mais c’est à peine si, sous les mots, sourdent une plainte, une larme, des pleurs. De peu de durée, de peu de poids. L’amour survient qui fait irruption dans « Feu », léger, lyrique, enjoué, mystérieux. Et avec lui, une langue autre, « étrangère ».
La langue est sans doute le mot qui revient le plus souvent. Un galet roulé par la vague. D’une section à l’autre du recueil, la langue sème ses ancrages, à travers les poèmes. Une musique court, tantôt légère, tantôt nue, « langue de pures larmes ». Langue de riche et langue de pauvre.
Le jardin livrera-t-il l’ombre de son secret ?
« où est le jardin
et dans le jardin
l’ombre du figuier
où est le repos ? »
« Dans l'infini bleu », dit le poème.
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
MARIELLE ANSELMO
Voir aussi :
- (sur Terres de femmes) Marielle Anselmo/Les îles [Anthologie poétique Terres de femmes (7)] ;
- (dans la Galerie Visages de femmes de Terres de femmes) le Portrait de Marielle Anselmo par Guidu Antonietti di Cinarca (+ un extrait de Voir le jour, Revue NU(e), N° 42).
Retour au répertoire de décembre 2009
Retour à l' index des auteurs
Retour à l’ index des « Lectures d’Angèle »
Retour au Sommaire de l'anthologie poétique Terres de femmes
(Printemps des poètes 2010 « Couleur femme »)