Elites et médias dans la transition d'Haïti vers la démocratie.( Parenthèses avant la deuxième partie )
Une critique de la société née au lendemain du 7 février 1986.
Par Emmanuel JEAN-FRANÇOIS
... Coulée dans l'interprétation de quelques amis et lecteurs qui en ont soulevé un débat nourri et à de nombreux égards assez critique sur bien des points, la première partie de notre travail a été déplacée de son contexte. Par souci de projeter un brin d'éclairage sur ces points dits « d'ombre » qui tourmentent la plupart de ces amis avec lesquels de longs entretiens retardent la rédaction de la deuxième partie, nous avons jugé nécessaire de faire un rapide exposé de leurs préoccupations, de tenter d'y répondre avant de questionner, lorsque nous aurons chassé les parenthèses dans notre seconde livraison, le rôle des élites dans l'inauguration-apprentissage des valeurs au sein de l'ordre nouveau.
Le nouvel ordre est une illusion
La critique la plus bouleversante par sa lucidité, qui peut être considérée comme une entreprise de déconstruction (au sens derridien du terme) de la période transitoire, est produite par un professeur d'histoire des idées à l'Ecole normale supérieure ( ENS ). Selon son point de vue, c'est une illusion pathologique de croire que nous sommes dans un ordre différent de celui en fonction depuis 1946. A ma question : notre histoire prend-elle au moins place dans la recherche d'une voie vers la démocratie, sa réponse, tout en renfermant la ruine même de notre romantique espérance en un avenir de promesse, demeure un balayage et un désenchantement de ce que communément nous nommons, pour lui, par abus de langage et désir maladif de changement, tout de même humainement légitime et démocratique.
Le professeur est on ne peut plus définitif lors de notre échange sur l'une des allées de l'ENS : transition démocratique, démocratie, liberté d'expression... : balivernes ! Nous sommes encore dans le prolongement des quarante-sizards. Comment professeur ? Notre réplique alors.
1986 est une réponse maladroite fournie à une crise s'étalant sur plusieurs décennies. En 1843, depuis l'habitation Praslin, des politiciens rêvaient de faire main basse sur le destin de la société issue des guerres sanglantes que connurent St Domingue, sous le paravent d'un libéralisme version Alexis de Tocqueville ; soit précisément dans le sillage du texte « De la Démocratie en Amérique (1)». Cet échec ayant sa date, le nom du président Salomon est inscrit dans l'histoire d'Haïti comme la continuation de cette volonté de domination politique voilée par des prétextes tels que l'émancipation des classes moyennes noires ... La nouvelle vague des guerres civiles sous Nord Alexis, basculant le pays dans l'instabilité politique absolue et apparemment sans sortie heureuse, culmina avec l'explosion du palais national, dont les flammes consumaient le président Cincinnatus Leconte, et l'assassinat, par une foule déterminée à se venger, du président Vilbrun Guillaume Sam, arraché de sa cachette à la Légation française. Ainsi, l'occupation étasunienne du sol national est à son tour datée.
Dans la foulée des désaccords sur l'occupation du territoire qui prendront successivement toutes les formes de refus possibles, une âme nationale a repris naissance dans l'oeuvre historique de Jean Price Mars. La jeunesse qui s'y retrouve a favorisé l'émergence d'une littérature qui entend re-démarrer la nation. Ce vaste et célèbre mouvement littéraire jeta les bases d'une conscience politique qui était marquée par la création de revues dont la plupart des articles qui y ont été publiés, même quand il s'était agi d'entrefilets en de rares cas, n'avaient fait, chaque jour davantage, qu'attiser le feu d'une révolution dans les mentalités.
Revers de la médaille ou espérance déçue, 1946 n'a pas accouché du bébé attendu. Remords, répugnance, révolte... s'installent au coeur des plaintes dénonçant cet autre « court-circuitage » de la traversée après 1843. Désespoir. Désolation également. Le courage exhibe ses bas.
Le coup contre Dumarsais Estimé allait réveiller le pays de son tendre rêve. Les yeux dessillés alors, la réalité lui rappelle les conditions de possibilité d'existence de la vie communautaire dans une société où l'Etat, conquis par les armes, a pratiquement fait asseoir ses fondements sur le trauma de la mort de l'empereur : le 17 octobre 1806, Jean-Jacques Dessalines est assassiné criblé de balles en rentrant à Port-au-Prince. Depuis lors, nous vivons dans un ordre, continue notre interlocuteur, dont le principe même ne tolère pas de contradicteurs.
Si les événements, quels qu'ils soient, sont réputés pour leur incrédulité, les réponses à eux données sont pourtant jalouses de ce privilège. De ce fait, les faits politiques qui débouchent sur le départ du second Duvalier cristallisent, termine notre ancien professeur, l'incapacité de l'ordre post 1946 de résoudre par les méthodes habituelles les problèmes posés par les multiples crises qu'il a lui-même engendrées. Regardez bien, tel un post-scriptum à l'encre forte, et vous allez voir que les pratiques de gouvernance politique de cette période que vous voulez placer sous le signe d'un autre âge, à quelques contextes près, ne diffèrent en rien de celles du soi-disant ancien âge. Donc réveille-toi,toi qui dors : notre résumé. Autant se demander à l'instar de Laënnec Hurbon « si le processus de démocratisation espéré après la chute de la dictature des Duvalier n'a pas la vertu de mettre la société dans un face-à-face avec ses contradictions, ses hésitations devant l'entrée dans un système qu'elle appréhende comme la ruine de sa particularité et de sa spécificité. (3) »
Omission de la dimension essentielle : le règne de la loi
Guy-Robert Saint-Cyr est, avec Me Paul Eronce Villard, l'un de nos meilleurs amis. Notre rencontre au restaurant Bèl Kreyòl à la rue Romain dans la commune de Port-au-Prince a marqué une étape importante de notre vie en ce bas monde. D'ailleurs, c'est Guy qui nous a encouragé à aller étudier la philosophie à l'ENS comme une évaluation de nos connaissances en sciences juridiques et en Economie ; notre choix en ce moment-là portait sur l'anthropo-sociologie et l'archéologie.
Formé successivement à l'université de Montréal, à HEC Montréal (Hautes études commerciales de Montréal), à l'université du Québec à Montréal ( UQAM ) et à l'université de Strasbourg, Guy, économiste de second cycle, doublé d'un gestionnaire, triplé d'un politologue, homme d'une légendaire modestie, a, pour la première fois depuis l'éclosion de notre respectueuse amitié, laissé tomber le masque de cette légende pour étaler son érudition sur le concept de démocratie. Par souci méthodologique digne d'un universitaire du Nord, c'est dans l'obscurité épaisse de la caverne de Platon qu'il nous a emmené pour débuter son récital. Un voyage sans frais par les coulisses de la pensée.
Avant la démocratie, la chose politique
Parler de démocratie présuppose l'existence d'une communauté humaine organisée en société réglée. Avant de tracer un cercle en vue de relever les traits fondamentaux de ce régime expérimenté premièrement sous Périclès, il importe de revisiter les réflexions de l'époque sur le fait politique lui-même, a-t-il précisé, afin de comprendre pourquoi l'avènement d'un ordre qui persiste à confier, entre les mains de la majorité, le contrôle et l'exercice du gouvernement.
Platon n'a pas été innocent dans l'exemple de l'allégorie de la caverne. C'est un commencement certain ici, fait-il remarquer. Une attitude prométhéenne et une orientation tranchée. C'est exact, devant le spectacle des pouvoirs tyranniques qui se sont succédé à Athènes, le monde est décidément le théâtre de forces obscures et s'en libérer exige de rechercher la solution ailleurs. Mais cet ailleurs, c'est aussi l'expérience d'autre chose. Ne pas lire ce mythe derrière des lunettes dogmatiques, Emmanuel.
Ainsi, de Platon aux contemporains, avec des notes pertinentes notamment sur les oeuvres de saint-Augustin, de Jean Bodin, de Locke, de Rousseau, de John Rawls, de Jacques Rancière, d'Alain Badiou, de Leo Strauss et de Jacques Derrida, notre ami, ancien doyen de la faculté des sciences administratives de l'université Notre-Dame d'Haïti ( UNDH ), nous reproche d'avoir omis la dimension la plus importante de la démocratie, à savoir, la prééminence de la loi. L'isonomie, dans l'esprit des Athéniens, précède l'iségorie. Il est évident, nuance-t-il, que l'éloge de la parole permet d'éviter qu'une minorité pense et élabore seule les lois qui vont façonner durablement le mode de vie des citoyens ; toutefois, le point de départ de l'aventure démocratique, c'est la loi et l'obéissance à elle par tous les membres de la communauté. Car rappelle-t-il, en guise de conclusion, que c'est en poursuivant le but de tourner le dos à la tyrannie qu'a été conçu à Athènes le projet d'un gouvernement démocratique. Socrate était persuadé d'avoir raison, néanmoins, la définition de la citoyenneté athénienne voulut qu'il respecte les règles du jeu.
Pareilles réactions ne sauraient nous laisser indifférent. Cependant, si René Char pense que « la lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil », il conviendrait ici de la placer dans son contexte.
Le temps ne patine pas
C'est avec raison que Derrida s'en prenait à Deleuze qui pensait pouvoir penser hors du cadre grec. En fait comment ne pas appeler à notre secours le mythe d'OEdipe pour montrer que, en dehors de cette histoire, le temps ne patine pas. En effet, OEdipe, à la fois fils, mari, frère et père, occupant par là toutes les places, symbolise l'exemple même d'une dénégation de la linéarité du temps.
Le sang qui dégoutte de la blessure de notre ex-professeur par rapport au déchirement de l'espérance démocratique post 7 février 1986 et à la déception nationale transformée en désenchantement qui s'en est suivie demeure le signe d'un élan de patriotisme aiguisé et d'une citoyenneté responsable. Nous le lui concédons. Par contre, la lucidité offre également à celui qui en est éclairé la possibilité de choisir soit de se tourner vers l'avenir, soit de s'enliser dans le passé. Notre entreprise consistant à poser l'hypothèse d'une transition démocratique indique la voie pour laquelle nous avons opté. Donc, notre démarche apporte avec elle une volonté de coupure. Autrement, le temps patine.
Lire l'histoire des élites n'est pas lire les élites de l'histoire
Nous retenons essentiellement de la brillante analyse du professeur que les élites apparaissent à chaque moment des diverses crises éclatées pour récupérer à leur propre compte les retombées qui en découlent dans le dessein de consolider le système. Parce que toutes, en particulier celles des soixante dernières années, pour user d'une expression jadis à la mode en France, se considèrent comme des héritiers(2), alors codépositaires du legs des quarante-sizards.
Notre démarche est, ainsi que nous venons de le dire, volonté de coupure, en ce sens qu'elle entend remettre en question l'ordre en passe d'instauration, par une mise en relation ''élites, valeurs et formation sociale''. Nous avons commencé, dans la partie parue dans le Le Nouvelliste du 12 novembre dernier, par isoler un point saillant dans l'état des lieux dressé de la formation sociale post 1986 centrée sur une libération et une libéralisation de l'opinion, dont la presse, recouvrant sa liberté, tient un rôle de premier plan. En effet, nous avons rappelé que la principale caractéristique des systèmes autoritaires, c'est l'unicité d'une opinion élevée au statut de vérité absolue.
Il demeure néanmoins très clair que nous n'avons pas développé tous les aspects du processus de cette formation sociale au cours de la première partie. Non seulement c'aurait été impossible dans une colonne de journal, en plus nous ne rédigeons pas une thèse, mais aussi ce n'est pas l'objectif premier de notre travail. Tel que le titre de l'article l'indique avec clarté, il s'agit pour nous de questionner le rôle des élites dans la direction de cette société née sous le sceau de liberté d'expression reconnue à tous et à toutes. Les médias étant les canaux institutionnels privilégiés de passage des nombreux points de vue qui caractérisent cette liberté, sont-ils de ce fait gérés de manière responsable par les élites de la « res publica» ? Ce qui nous conduira à lire les élites de l'histoire dans la deuxième partie ; c'est-à-dire, à suivre leur mode de constitution et à interroger leur comportement au sein de la société. Dit autrement, lire l'histoire des élites est selon nous un simple acte, un simple constat de leur comportement au fil des ans, tandis que lire les élites... revient à soumettre maintenant cette donnée recueillie à une grille normative sécrétée en soubassement par la société et en fonction de laquelle la meilleure direction possible dans les limites des contraintes internes et externes doit être recherchée.
La démocratie comme règne de la loi
Il convient de nous mettre d'accord avec Guy que le respect de la loi est le pilier du fait démocratique. En posant l'axiome de l'égalité devant la loi, l'homme grec signe en Occident l'acte de naissance, en déclaration tardive bien entendu mais notariée, de la liberté tout court. Ceci doit être clair. Socrate paya de sa vie l'enjeu installé au coeur de la relation entre liberté de la parole et égalité citoyenne devant la loi, dans la société athénienne du Ve siècle.
Nonobstant, la mort de Socrate ne doit pas être vue uniquement sous l'angle d'une prééminence de la loi sur la parole. C'est plutôt l'inverse qu'il faut considérer. De fait, les convictions de l'homme, formées à partir d'une enquête assidue menée sur la vérité dans un ensemble varié de domaines, par la réflexion et la parole pendant toute une vie, n'étant pas aveuglément servantes de la loi, il en vint à accepter courageusement de boire la ciguë.
Sur cette lancée, la liberté dans la démocratie est en tout premier lieu la liberté de discuter en vue de décider des meilleures lois à élaborer dans tous les domaines aux fins de réglementer la vie commune au niveau de la cité. Car les lois se sont plus d'une fois révélées injustes. D'ailleurs, toutes les dictatures les plus féroces ont eu des lois ; et l'un des points communs entre dictature et démocratie réside en la présence d'un corpus de règles légales et d'une police (prendre au sens d'ordre) chargée de veiller à son strict respect. En revanche, la ligne qui sépare nettement ces deux systèmes d'ordre passe par le statut de l'opinion en leur sein. Ce que nous avons développé dans la première partie.
Ainsi, nous reconnaissons en l'objection de notre ami une valeur indéniable ; toutefois, nous restons convaincu qu'un gouvernement démocratique est d'abord un régime fondé sur le règne de l'opinion qui décide souverainement en temps et lieu, aussi souvent que la nécessité se fait sentir, du corpus légal à adopter dans le souci de bien conduire la société. Si Dieu, dans le Judéo-christianisme, est parvenu à créer l'univers par profération, le Grec, lui, a pris la décision de refonder la société sur l'affrontement des opinions. Donc, le fondement de la démocratie demeure la libre expression des opinions (liberté de la parole) sur l'orientation à donner à la communauté ; son pilier, pour éviter tout saut dans la barbarie, c'est la loi. L'iségorie a tacitement préséance sur l'isonomie.
Nous ne prétendons pas avoir entièrement répondu aux préoccupations soulevées par notre ancien professeur et par notre ami. Nous n'avons fait que comprendre leurs objections et les placer dans un contexte précis. Ceci nous a offert l'occasion de replacer notre travail dans son cadre, à la satisfaction de divers autres amis lecteurs qui eux-aussi peuvent exprimer bien des réserves à propos de notre réflexion.
En fait, le souci de l'homme postmoderne s'éloigne de la prétention à une érudition arrêtée, qui le tourmenterait de l'illusion pathologique d'autosuffisance : une attitude qui concourait inéluctablement à le faire sombrer dans le narcissisme, causant par voie de conséquence sa propre perte dans le conflit insurmontable qu'il y livre avec lui-même, ignorant totalement la présence de l'autre ; mais plutôt se rapproche de plus en plus de l'affirmation d'une éthique de la responsabilité, en travaillant scrupuleusement à l'aménagement d'un espace de discussion rationnelle ( au sens habermasien du terme ) en vue de forger le meilleur des mondes possibles.
En effet, depuis que Prométhée nous a soustrait de la domination de l'Olympe, en dérobant à notre profit le feu, la direction de notre destin désormais nous appartient. A nous de tirer les leçons d'un passé douloureux marqué, entre autres catastrophes humanitaires, par deux grandes guerres à l'échelle planétaire, sans oublier de dégager notre conscience sur le forfait perpétré contre la civilisation cinq fois millénaire de la Mésopotamie ( un des berceaux de la civilisation - sur les berges du Tigre, passant par Bagdad, l'écriture est née), dont l'Irak actuel couvre une très grande superficie, sous le fallacieux prétexte de sauvegarder le monde des éventuels méfaits que peuvent provoquer des armes de destruction massive fabriquées par le régime de Saddam Hussein.
Au niveau national, en ce qui nous concerne en tant que peuple, nous sommes étampés par une suite interminable de dictatures. La dernière, en pleine construction, s'annonce déjà plus obscure que toutes les précédentes dont elle hérite les formules et les pratiques sanguinaires. Aujourd'hui, les temps ne favorisent pas l'élimination physique des opposants, par contre, un processus cynique d'élimination sociale et politique est enclenchée à leur encontre : le cas des étudiants de la faculté de médecine et de pharmacie de l'université d'Etat d'Haïti, celui des partis et regroupements de partis écartés de la course électorale ( prévue pour février-mars 2010 ) sans argument valable, ou encore celui des barricades dressées au sein de l'administration publique contre tous ceux et toutes celles qui ne partagent pas les points de vue de la « maison blanche haïtienne » dont en majorité les jeunes sont sommairement des exemples qui pèsent. Cette administration publique, à son plus haut niveau en termes de ressources humaines, est composée de dociles serviteurs recrutés sur mesure par le chef dans le cadre de l'exécution de son macabre projet. La corruption y demeure la seule méthode de gouvernance.
Mainmise sur toutes choses : politique, justice, administration... L'université d'Etat, presque transformée en caserne, revit l'ère obscurantiste de Jean-Pierre Boyer. Notre chef omniscient descend entêté sur la pente de l'atomisation de la société. Tel Ulysse, il se fait lier tout ensemble mains et pieds, attaché au mât de son navire, après avoir bouché avec la cire les oreilles de ses compagnons ; en route vers l'Ithaque. Les cancres au pouvoir. Le Sénat est pris d'assaut par un essaim d'imbéciles qui entendent réduire les séances à l'école du dimanche, c'est-à-dire : appel nominal, lecture de la parole, adhésion sans condition, retour à la maison. Le sort du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire semble jeté. Dans les antichambres du pouvoir, des chuchotements veulent que le sénateur Latortue soit évincé de son fauteuil à la tête de la Commission Justice et Sécurité de la Chambre Haute pour avoir trop insisté sur ce dossier.
Les centaines de milliers d'enfants en âge de scolarisation qui traînent dans les rues de Port-au-Prince comme dans le reste du pays grandissent en dehors du souci immédiat de notre sphinx. Un jour, on ne sait jamais, certains parmi eux deviendront des sénateurs afin de garantir ainsi la relève intergénérationnelle de l'illettrisme en la République maudite. A proximité de son siège officiel, il les regarde d'un air désinvolte en train de laver des voitures sur la place de la Constitution, puisant dans le jet d'eau dans lequel également ils pissent et défèquent. Au pied de la colonne érigée sur ladite Place au salut de la Charte fondamentale de 1801, ces laissés-pour-compte s'adonnent, à leurs heures vacantes, derrière la fumée suffocante de leur joint de marie-jeanne imposée aux passants et autres personnes venus prendre une détente, à des parties de poker publiques. La plupart de ces jeunots se font parfois même accompagner de leur chien dont ils attachent le lest à la base du lampadaire le plus près, qui le soir projette ses rayons lumineux sur leur salle de jeux. Quelle souillure ! Mémoire d'un amnésique historique ! Alors, nation, voici l'avenir ! Votre avenir ! C'est cela, quand on a affaire à un sphinx. Fort heureusement pour le peuple haïtien qu'à ses heures, il sait se montrer OEdipe. L'avenir dure trop longtemps. Vivre en Haïti, c'est être opéré vivant de la dictature et de la barbarie.
A suivre...
Emmanuel JEAN-FRANÇOIS
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