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Elvire Maurouard: L'exploratrice identitaire

Publié le 06 décembre 2009 par 509
Elvire Maurouard: L'exploratrice identitaire
Une exploration identitaire
Née à Jérémie, Elvire Maurouard, docteur ès lettres et professeur à l'université, vit à Paris où elle a publié de nombreux ouvrages, dont « Les juifs de Saint-Domingue (Haïti) ». Une étude dans laquelle elle raconte l'histoire des familles juives arrivées à Saint Domingue au XVIIIe siècle fuyant la répression nazie pendant la seconde Guerre mondiale. L'auteur de « Haïti, le pays hanté» (Editions Ibis rouge) transcende bien des clichés pour entreprendre sa quête généalogique des juifs dans ce qui fut appelé alors l'Amérique française. « La nomination à Port-au-Prince du Comte D'Estaing, le 27 décembre 1763, écrit-elle, sema le trouble dans les foyers juifs. Ils seront alors contraints de faire des dons pour des fondations publiques.» La littérature d'Elvire Maurouard? Une exploration identitaire sous le signe de la célébration de la littérature haïtienne de la diaspora.Par Frantz-Antoine Leconte, Ph.D
Elvire Maurouard, jeune femme de 38 ans, journaliste , diplomate, docteur en lettres, poète, essayiste et romancière, creuse durant des années, sous nos yeux éberlués, l'opiniâtre matière littéraire qui consacre son talent exceptionnel.
Elvire Maurouard: L'exploratrice identitaire
Partie d'un essai vertigineux, La femme noire dans le roman haïtien(2001), elle effectue une brillante et complexe représentation qui met à nu les contradictions sociales et culturelles de l'univers haïtien. Tels dans un kaléidoscope ,elle fait défiler le monde de la paysanne, de la femme du peuple, le pathétique ainsi que le tragique de la condition féminine dans le pays haïtien .
Et, pour confirmer sa réussite dans le monde de la recherche, elle récidive avec Les beautés noires de Baudelaire(2005), oeuvre placée sous le signe de l'exotisme. Si la femme noire hante l'oeuvre pétillante de Baudelaire, Elvire semble l'avoir embrassée (cette oeuvre) avec beaucoup d'attachement depuis sa première nouvelle désormais célèbre « le jardin de Baudelaire ».
Toujours en questionnement du continuum tragique de l'homo haitianus , et avec une sensibilité et une finesse d'analyse peu communes, elle sait dégager et surtout livrer la synthèse , sinon la fusion des aspects de cette poésie inédite et ensorcelante qui parle des femmes de son île tragique.
D'autres glorieuses attestations en recherche se suivent. Haïti, le pays hanté (2006) brosse à travers une rigoureuse analyse de certaines oeuvres haïtiennes une perception hallucinée de son île natale. Les Juifs de Saint-Domingue( 2009 ) produit une étonnante surprise. Cette étude nous apprend que Haïti fut l'un des rares pays a avoir accueilli des Juifs pendant la seconde guerre mondiale. Ainsi, après ces odyssées historiques éblouissantes : l'encouragement et l'aide à l'indépendance de toute l'Amérique latine, la participation à la guerre de l'indépendance des USA, à celle du Mexique, de la Grèce, à la décolonisation de la Lybie et de l'Inde , il faudra ajouter l'humanisme d'Haïti vis-à-vis des Juifs. Le procès séculaire ou ce long processus abusif qui fait du citoyen haïtien un petit démon cannibale et solitaire devait être cassé, révisé ou remplacé plutôt par un autre symbole, celui d'un être héroïque, stoïque, masochiste dans ce rôle historique de porteur de lumière et de civilisation au monde.
Que dire la poésie de Maurouard ? Si elle se révèle tellurique, incandescente et contagieuse, elle sait pourtant exprimer un ton sensible, une narration intime. De
Grandes fluctuations et une musicalité contrôlée.
Puisque je suis noire et que tu es victoire
Soulève la terre pour en extraire une armure
En présence du soleil, enterre toute compassion
Et avoue que la malédiction est imposture.

Les vers savent aussi conduire à cette célébration sensuelle de l'archipel Caraïbes en mariant les tons, les sons et les couleurs, les rythmes, les esprits, en participant sur des passerelles insolites « aux épousailles du soleil et de la lune ». Ils nous inclinent vers une célébration de la vie autant qu'à un hommage aux pères fondateurs, véritables dieux tutélaires , MaKandal , Toussaint , Dessalines, Boisrond Tonerre, Charlemagne Péralte et Benoît Batraville.
Les recueils, Contes des îles savoureuses(2004) , Jusqu'au bout du vertige(2007) et Coquillages africains en terre d'Europe (2009) constituent des points de repère importants qui mènent au chef d'oeuvre, le roman, La Joconde noire( 2008), salué de façon élogieuse unanime par la critique. D'autant plus , qu' au-delà du feu d'artifice verbal, la problématique défraie l'actualité. Cet esclavage du sexe affecte les grandes métropoles occidentales autant que les îles autrefois paradisiaques.
Et Haïti ? Elle devient le théâtre d'opération de cette internationale du sexe où s'affrontent dans une lutte inégale une adolescente haïtienne qui veut conquérir sa liberté et sa dignité d'un impitoyable négrier. Le rythme de l'action crée des accents érotiques et autorise des extases amoureuses. Tout cela traduit bien cette grande vitalité, cette géniale et irrésistible esthétique de l'oeuvre de Maurouard.
Le dernier essai qui m'est parvenu, Victor Hugo et l'Amérique nègre(2009) semble entamer un début plus fracassant que les oeuvres antérieures. Il fait son chemin tout seul par les mérites de cette recherche sagace et les nombreuses qualités du texte. Giovani Dotoli , le brillant préfacier, a raison d'affirmer que :
« le nom de Victor Hugo ouvre toujours des perspectives géantes. Nous le rencontrons partout .Il est toujours du côté des humbles, des faibles, de l'humain. Mais il est rare que l'on sache qu'il s'engagea profondément à l'horizon de la liberté dès son premier livre, Bug-Jargal, écrit à l'âge de seize ans ».
Ouvre de l'adolescence, mais chef d'oeuvre quand même qui prend position en proclamant très haut et fort « Il n'y a sur la terre ni blancs ni noirs, il y a des esprits ».
Premier livre, mais aussi manifeste pour la liberté, d'une brûlante actualité en Amérique latine, en Amérique du Nord, en Asie, en Afrique et partout. L'esclavage-ou l'apartheid ,ou la ségrégation- prolifère et atteint un don d'ubiquité malgré Toussaint Louverture, Dessalines, Bolivar, Montaigne, Rousseau et Mandéla. Faut-il remercier Elvire Maurouard de nous avoir rappelé ces cris du coeur hugoliens ainsi que son sens de la réalité, de l'histoire et de l'humain qui se dégagent de cet humanisme ?C'est que, en faisant l'exégèse d'Hugo, elle remonte plutôt vers un défi anthropologique que ce grand homme relève en renversant tant de fallacieuses théories et de nocive mythification.
Mais, par-dessus tout, il nous faut aussi reconnaître -c'est d'ailleurs un constat d'évidence- que Maurouard a bêché le champ littéraire dans toute sa diversité. C'est pourquoi elle rafle d'interminables distinctions : prix Louis Marin , Prix littéraire des Caraïbes, prix présence des arts, prix de l'Académie internationale Il convivio, médaille d'or de l'Académie internationale de Lutèce et le prix de l'Association internationale Cheikh Anta Diop(2009) pour la Renaissance Africaine a pour l'ensemble de son oeuvre. A cette incessante célébration de la littérature d'Haïti à laquelle participent René Depestre, Jean Metellus, Jean-Claude Fignolé, Franck Etienne, Lionel Trouillot , Gary Victor, Yanick Lahens, Josaphat Robert large,Louis-Philippe Dalembert, Kettly P. Mars, Dany Laferrière et Edwidge Danticat, il faut désormais ajouter avec enthousiasme Elvire maurouard. Inévitablement.
Frantz-Antoine Leconte, Ph. DYon gwo AYIBOBO pou ou men m zanmi m ki vizite lakou sa pou pwan nouvèl zanmi lakay ak lòt bò dlo.

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Par Jean-Claude Bossuet
posté le 12 novembre à 06:16

la force de l'âme passe au-dessus de tout, car elle rallye les causes justes dans la paix et la sérénité.