Magazine Journal intime

Ta vie sauvée enfin - Alice Miller

Publié le 21 décembre 2009 par Cassandre
C'est le premier livre de Miller que je vais lire, je n'en ai pour l'instant, que lu la préface mais elle augure plein de bonnes choses, qui, je l'espère vont m'aider à avancer et comprendre les pourquoi des comments et autres choses complexes qui hantent mon conscient, mon inconscient et gèrent probablement mes attitudes (ou pas...).
Alice Miller, pour la présenter, a exercé la psychanalyse jusqu'en 1980 avant de se consacrer entièrement à ses recherches sur l'enfance. Elle a publié 13 livres traduits en pas moins d'une trentaine de langues. Ils portent tous sur les causes et les conséquences des mauvais traitements infligés aux enfants. On peut aussi consulter ses derniers travaux sur son site internet :
Alice Miller - Abus et maltraitance de l'enfant

Ce livre est un peu particulier, car il reprend des textes déjà publiés sur son site et des réponses aux lettres de lecteurs, elles aussi publiées et traduites en français. On y retrouve des thèmes déjà abordés, mais présentés sous un angle différent, comme le fait que l'enfance en général, même celle des personnages connus (entre autres, Hitler) ne mérite souvent qu'une seule ligne dans les ouvrages spécialisés, d'historiens notamment, alors que c'est une mine d'informations pour expliquer la vie de l'adulte. Mais comme toujours, c'est à cause de l'indifférence générale envers les enfant que l'on ne voit pas l'importance de l'enfance pour la vie ultérieure de l'adulte.

Sauver notre vie, finalement, c'est une forme de devoir que nous avons chacun à l'égard de nous-mêmes. Plutôt que de s'enfermer dans la dépression ou plus fréquemment dans l'automystification et le déni des souffrances qui nous ont été infligées durant notre enfance, il nous appartient de chercher à nous en sortir et comprenant quels sont nos vrais besoins.


C'est ce que je cherche à faire, bon an, mal an. Un petit pas après l'autre.

La préface est déjà très intéressante, rien qu'en quelques lignes, j'ai déjà repéré les shémas auxquels je fus confrontée dans mon enfance. En italique, ce seront les phrases copiées du livre, pour le reste mes "explications".

A en croire des idées encore largement répandues, les enfants sont dépourvus de sensibilité, les souffrances qu'on leur inflige restent sans conséquences, ou en ont moins que chez les adultes, car "ce sont encore des enfants." [...] Battre un adulte est qualifié de torture, battre un enfant de mesure éducative.

Ah ça, combien de fois ai-je entendu la sacro-sainte phrase qui justifie tout : "C'est pour ton bien".
Maintenant ça me rappelle plus ce proverbe à la noix "Bats ta femme tous les matin, si tu ne sais pas pourquoi, elle, elle le sait".
Je me souviens qu'enfant, suivant les bêtises que j'avais pu faire, la punition n'était jamais proportionnelle. Soit c'était une grosse bêtise et j'étais battu comme plattre, soit c'était rien et c'était pareil. Voir encore, la bêtise était grosse mais il ne se passait rien.
J'étais toujours dans l'expectative de ce qui allait se passer ou non.

Et puis, qu'est-ce qu'une "grosse bêtise" ?
J'ai presque 35 ans, et je ne sais toujours pas ce qui peut justifier une fessée ou des claques telles que j'en gardais la marques pendant un bon moment. (sans parler des fois où c'était la ceinture...) Rien que d'y repenser encore aujourd'hui, j'ai les joues qui rebrûlent du feu de l'époque... alors "sans conséquences" ?
Absolument pas....

Pour m'expliquer ce phénomène, j'ai voulu savoir à partir de quel âge les parents estiment pouvoir frapper "un petit peu" leurs enfants pour leur apprendre à comporter correctement. N'ayant pas trouvé de statistiques sur la question, j'ai commandé en 2002, une enquête à un institut de sondages : on a demandé à 100 mères, appartenant à diverses classes sociales, quel âge avait leur premier enfant quand elles ont jugé nécessaire de le "corriger" par des tapes sur les mains ou les fesses.
Les réponses ont été, à mes yeux, fort instructives : 89 femmes ont répondu, presque unanimement, que leur enfant avait environ 18 mois, 11 ne se souvenaient pas du moment exact, mais aucune n'a déclaré qu'elle n'avais jamais battu son enfant.

Je crois que ça veut tout dire... n'est-ce pas ?

[...] Que ce passe-t-il dans le cerveau d'un enfant de cet âge quand il reçoit des tapes ? Même si celles-ci ne provoquent pas de grandes souffrances corporelles (du moins, aujourd'hui encore, nous le supposons), le petit enregistre qu'il a été attaqué, et ce par la personne même qui, lui dit son instinct, devrait le protéger des attaques. Dans le cerveau, encore incomplètement formé, de cet enfant, va naître un trouble profond, un problème insoluble : ma mère est-elle ma protectrice ou bien elle-même un danger ? [...]
Vont subsister la peur (des prochains coups), la méfiance et le déni de la souffrance.

Tout à fait ce qui s'est passé pour moi, d'autant qu'en plus, ma "mère" n'hésitait pas une seule seconde à me mettre dans le train pour Paris avec ma grand-mère (et plus tard l'avion) parce qu'elle le disait elle même : elle ne me supportait plus.
La faute venait forcément de l'enfant que j'étais. Elle ne pouvait venir des manières éducatives qui étaient utilisées.
Mais je pose la question : comment un enfant peut-il être responsable ?
Il ne peut pas, et la seule chose que je peut me dire, c'est que s'il est si insuportable que ça, c'est qu'il y a quelque chose dans le comportement des parents... ou alors il est vraiment malade au sens psychiatrique du terme, et c'est bien ce qu'on a voulu me faire croire pendant plus de 25 ans...

[...] Pour briser cette solitude (et le fait que l'enfant porte seul son secret) les parents devraient trouver le courage de lui avouer leurs fautes. Toute la situation en serait changée.

Voilà ce que j'attends, c'est la reconnaissance de ce que j'ai subit et qu'enfin on cesse de me dire que c'était ma faute.
Rien ne justifie la violence physique. Ca vaut pour les femmes battues par leurs maris ou compagnons mais aussi - et surtout ! - pour les enfants.
Le "tu m'y a poussé" ne révèle que la faiblesse de caractère de celui qui a succombé à la violence.
Ce qui nous différencie des animaux, c'est la capacité que nous avons à maîtriser nos pulsions. Mais certaines personnes sont plus proches de l'animal que de l'humain.

Ces informations données par les parents ne sont pas une révélation pour l'enfant [...]. Mais le courage des parents et leur décision de ne plus se dérober à la réalité des faits auront incontestablement, sur lui, un effet bienfaisant, libérateur et durable. En outre, ils offriront à l'enfant un exemple important, non par de beaux discours mais par leur comportement : ils auront fait preuve de courage et de respect pour la vérité et la dignité de l'enfant plutôt que de violence et de manque de maîtrise de soi.[...] Le secret que l'enfant protait dans la solitude aura été nommé et inséré dans leur relation, qui peut désormais reposer sur le respect mutuel et non sur l'exercice autoritaire du pouvoir.

C'est tout à fait ce qui se passait quand j'étais gosse : l'exercice autoritaire du pouvoir. J'ai eu menti, gamine, pour plein de choses, mais en même temps, je ne faisais, il me semble, que reproduire un schéma que je voyais se faire au sein même du couple que représentait mes parents.
Quelques fois, il fallait mentir au Pater pour m'éviter une punition que ma mère savait qu'elle allait être disproportionnée par rapport à la faute commise.
Chacun avait en fait sa "technique" : le pater c'était la violence et les coups. La mother c'était plutôt dans la psychologie et le double discours (fais ce que je dis mais pas ce que je fais...). Car les coups, la mother au final, se faisait plus mal qu'autre chose, mais si elle avait pu, elle faisait aussi.
Il m'est arrivé aussi de répliquer. Je crois, mais je n'en suis pas certaine, que j'ai dû la gifler au moins une fois.
Cependant, je crois que ce n'était que la "fermeture de la boucle" : j'agissais comme on me l'avait appris.
Cruelle ironie du sort, n'est-il pas ?

Le thérapeute doit travailler avec les parents et leur expliquer pourquoi de telles conversations pourraient être libératrices, pour eux-mêmes et pour leur enfant.
Bien entendu, cette proposition ne sera pas acceptée par tous les parents, même si on le leur conseille. Certains trouveront cette idée grotesque et penseront que le thérapeute est naïf, ignore combien les enfants peuvent être sournois et savent exploiter la gentillesse de leurs parents. Il ne faut pas s'étonner de ce genre de réactions, car la plupart des gens voient en leurs enfants leurs propres parents et ont peur de reconnaître une faute puisque, autrefois, chacune risquait d'entraîner de lourdes sanctions. S'ils se cramponnent avec acharnement au masque de la perfection, ils ne changeront peut-être jamais.

Nous y voilà. Au masque de la perfection.
Celui auquel la mother tient tant.
Même et surtout encore aujourd'hui. Je ne sais pas ce qu'elle a pu raconter à ma tante lors de sa visite, mais je sais au moins une chose, elle m'a renié. Préférant rester "parfaite" plutôt que d'admettre qu'elle ai pu commettre des erreurs.
Préférant avoir l'ascendant sur moi plutôt que de me considérer comme son égale.
Essayant de reprendre le contact "l'air de rien" en espérant que ça passe à l'as... ben voyons, j'écris des lettres de 5 pages où j'expliques ce que je ressens et il faudrait "passer outre" ?
Trop facile.
Si contact il doit y avoir, il devra passer par une explication franche et directe.

Mais quelque chose me dit qu'elle tient bien trop à son masque.

Quand l'enfant constate que ses parents s'intéressent à ce qu'il a ressenti face à leurs abus de pouvoir, il éprouve un grand soulagement, et aussi d'une certaine manière, l'impression qu'on lui a rendu justice.
Il ne s'agit pas de pardon, mais d'évacuer des secrets qui ont creusés des fossés. Il s'agit de construire une nouvelle relation, reposant sur la confiance mutuelle, et de rompre la solitude où se trouvait jusqu'alors l'enfant battu.

Et ça vaut aussi pour l'adulte que l'enfant est devenu.

Mais je crois qu'il vaut mieux pour moi, me sauver seule et faire le deuil d'une relation parentale quelle qu'elle soit, car je doute qu'elle fasse ce pas là.

Mais on verra bien au fur et à mesure de mes lectures comment il est possible d'avancer sans cette reconnaissance.


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