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Les Vanupieds (21)

Publié le 31 décembre 2009 par Plume
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Avec l’argent de Lewis, France décida d’acheter de quoi les chausser dans le prochain bourg.

« Je refuse de m’habiller avec l’argent qui a servi à acheter Abby ! » Jeta Alissa avec colère.

Blanche de rage, France la gifla :

« Je ne veux plus t’entendre ! Cria-t-elle, en perdant toute retenue, le regard terrifiant. J’ai assez de soucis comme ça pour supporter que tu en rajoutes encore. Alors tu la fermes  et tu me fiches la paix ! »

Alissa se mit à pleurer et Adam, navré, vint passer un bras autour de son cou.

« Nous achèterons de quoi nous mettre aux pieds dans la prochaine ville, répéta l’aînée, incapable de contrôler les tremblements de sa voix. J’ai décidé ! »

Tout le long de leur marche, Adam ne sut comment être à la fois le grand frère affectueux et compréhensif d’Alissa et le cadet loyal et dévoué de France. Les deux sœurs ne se parlèrent plus, ne se regardèrent plus, s’ignorèrent complètement. La brune fillette avançait vite, tendue, crispée au paroxysme de ce qui pouvait être certainement supporté par une enfant de son âge. Et Adam n’osait l’approcher, impressionné par l’expression incroyablement féroce de ses traits marqués. Alissa marchait derrière, la tête basse, visiblement très abattue. Mais elle appréciait la présence réconfortante de son frère. Alors Adam resta à son côté, plus à l’aise, bouleversé par la solitude dans laquelle s’enfermait obstinément leur aînée. Elle cheminait devant, la tête haute, sans avoir l’air de se préoccuper de ce qui se passait autour d’elle.

Bientôt, ils arrivèrent en vue d’une rivière qu’enjambait un pont en pierres taillées. Des saules pleureurs balançaient langoureusement leurs branches au dessus de l’eau claire, formant entre les troncs et le rivage sablonneux de minuscules criques ombragées. Ce fut sous l’une d’entre elles, la plus grande et la plus accessible, que France s’arrêta.

Adam et Alissa, enchantés de se reposer enfin, s’allongèrent l’un à côté de l’autre dans l’herbe humide. Taquin, le garçon chatouilla la fillette blonde qui se rendit aussitôt. Et ce fut le début d’une joyeuse lutte entre eux deux, entrecoupés de grands fous rires et de petits cris de protestation.

France partit s’agenouiller au bord de la rivière et s’aspergea le visage d’eau. Avec délice, elle laissa longtemps les gouttes fraiches ruisseler sur sa peau brune, les yeux levés vers les feuilles argentés au dessus d’elle. Elle les entendait chahuter dans son dos. Sans doute aurait-elle pu se joindre à eux et partager un bon moment d’innocence. Mais la tristesse était plus forte,  l’envahissant inexorablement et lui donnant envie de pleurer. Elle baissa la tête et contempla longuement son reflet dans l’eau limpide.

Il avait l’air si dur, si sévère, ce petit visage. L’image était floue, brisée. Pourquoi ne souriait-elle plus ? La balafre… Oui, c’était la balafre qui la rendait aussi farouche, aussi cruelle. Saisie de colère, France plongea les mains et le reflet disparut dans les remous. Elle ferma les paupières et ses épaules s’affaissèrent. C’était trop difficile. Allan… Abby… Qui serait le prochain ? Adam ? Alissa ? Etait-il possible qu’ils soient ainsi condamnés à se séparer tous ? Quelle faute payaient-ils ainsi ?

Et tout cela à cause du père et de la mère.

Les doigts de France se crispèrent violement sur le sable. Elle les haïssait et un jour leur rendrait au centuple ce qu’ils étaient obligés d’endurer. Oui, elle en faisait le serment. Personne ne s’en prenait impunément à elle ou à ceux qu’elle aimait.

Elle contempla la campagne verdoyante qui s’étendait à perte de vue de l’autre côté de la rivière. Qu’allait-il trouver sur leur chemin ? Comment éviter de nouvelles séparations ? Elle ferait tout ce qu’elle pourrait pour les garder auprès d’elle. Adam, Alissa… Mais était-elle maître de leur destinée à eux trois ? Elle voulait vraiment croire de toutes ses forces que c’est parce qu’elle l’aimait qu’elle avait laissé sa petite sœur à la duchesse.

Tant que tu te souviendras de qui tu es, nous nous retrouverons, songea-t-elle, je t’en prie, n’oublie jamais ton nom, Abby Célone, jamais.

Elle se connaissait suffisamment pour savoir qu’elle se séparerait aussi d’Adam et d’Alissa si pour leur survie ou leur bonheur, elle devait les éloigner de son chemin. Elle, elle voulait voir la mer, peut-être même fouler de son pied le sol du pays dont elle portait le nom. Fût-elle seule à marcher sur les routes.

Et Andréa ? Alexandre ? Ann ? Qu’étaient-ils devenus ? Comment savoir maintenant ? Elle ne pouvait plus revenir en arrière. C’était impossible. Tant de chemin avait été parcouru ! Leurs pas se croiseraient à nouveau un jour, elle en était persuadée. Quoiqu’il se passe, ils se retrouveraient tous un jour. Oui.



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