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Gracquiennes Le billet de Nestor

Publié le 04 janvier 2010 par Angèle Paoli

Le billet hebdomadaire de Nestor (13)


GRACQUIENNES
    Rejoints les reflets, les vêpres brunes, veillés les regrets. Choisir. Que tes sillons s'accomplissent, en départs inventés, ici et maintenant, même barbouillés de mousses vigoureuses, de feux sans bannières. Mais vite. Car tu ne recommenceras pas.
    Dans la maison des débuts il y a de lèvre à lèvre la fêlure délivrée des preuves riveraines.
    Dans la hutte aux parois de lierre il y a la moiteur dissipée, voyante aux plis opaques dont s'écarte toute voilure.
    Dans la tour vrillée il y a comme un goût de graines inquiètes, de gaudes dévorées.
    L'aridité et l'hôtesse enfin confondues.
    Comment parler de fuite par rapport à ce centre dont nous ignorons tout ?
    Routes inlassables, captives embuscades, arc équivoque de l'absence qui fit de ton visage ce masque de jeune pharaon à l'heure du plaisir, des alcools incurvés, des rixes de minuit...
    Icône se tenant sur le seuil, dans l'ombre de l'ombre, vers l'oubli de l'oubli, qui t'enlève les choses sans que tu les perdes ou que tu puisses les garder par l'illusion de les avoir perdues... Faux-pas du désir qui, d'un bond sans pourtour, franchit déjà la ligne, trahie, éperdue...
    Nous sommes tous des variantes de la même ombre, condamnée à ne coïncider qu'avec son déguisement, alliance du renvoi et de l'envol, du plomb et du vide, de ce qui, en cette heure, n'a ni visière, ni visage, ni orgueil, ni droit à faire valoir, ni ténèbre à expier...
    Nuits sur le promontoire, fêtes immobiles.
    L'accueil, puis l'essor séparé, les racines à revendre.
À qui sans bris marcha vers cet automne dont la moiteur pourtant lui resta inconnue – de les avoir vues, sœurs, brumeuses, dès l'aube enlacées en un cri élargi, pressenti le silence du blé dans la moire.
    Il n'aurait pas dû, mais il est resté, comme avant, quand le monde était encore. Pour tout nous dire.
    Les portes s'ouvrant, lentes sous la paume des archipels, aux réveils, par les mers rabrouées.
    Entame aux rives enfin soupesées pour que rien, jamais, n'y soit en leurs souches blessé, désemparé, enlevé ou éteint, pour qu'on n'ait plus à monter au temps par autrui, par le bond ou l'énigme, ni par l'essaim souverain, ni par ces feintes qui le dévêtent, l'accroissent ou l'accompagnent, parfois ressaisi, ici et là dépris ou repeint, jamais en vain...
    Don de chevaucher les creux, les brumes qui affluent sur les contrées des sorts, murailles couvertes de graffitis affûtés par l'instant, délavés par la succession, sourdes parcelles de cet enfer où gît ta réalité férocement insubornable...
André Rougier
D.R. Texte André Rougier


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