Alors d’où vient la gêne ?
De ce soupçon qu’on n’encenserait Camus que pour mieux éliminer Sartre.
Sartre, l’intello déprimant, l’homme de la remise en question permanente, le pourfendeur de certitudes, l’intellectuel qui s’est (c’est vrai) souvent trompé, celui dont on nous rappelle pour l’occasion les propos malheureux (« tout anti-communiste est un chien »…), Sartre le diviseur doit disparaître sous la gloire du rassembleur Camus !
N’y aurait-il pas là une offensive programmée, assumée par quelques intellectuels bien en cour, quelque conseiller présidentiel, qui n’ayant pu tout à fait renvoyer Mai 68 aux oubliettes honteuses de l’histoire, se font indirectement les dents sur un penseur qui les a dérangés en son temps, et qui, à certains égards symbolise la pensée de 68 ?
Sartre s’est trompé ? Oh oui, sûrement, et Foucault aussi, et bien d’autres. Mais sans risque de se tromper y a-t-il seulement une audace de la pensée ?
On fait l’éloge de la « modestie » de Camus au plan théorique. J’ai même lu quelque part que l’écrivain Prix Nobel délaissait les conversations un peu trop conceptuelles dès qu’une femme charmante apparaissait…. Les femmes charmantes apprécieront.
A mon sens, la modestie (et la générosité intellectuelle) de Sartre était d’une autre trempe.