Après avoir été malade et très, très longtemps, garde-malade, les dégustations de thé m’ont manqué. Je les ai reprises…. Oui de celles où la mer à thé est de sortie (avant d’avoir un bateau), le couple tasse à sentir et à boire aussi, un des zhong de service aussi. Comme une occidentale, mon chemin de thé est plus cérébral.
J’ai besoin d’exercer mes papilles, mon nez et ma perception. J’ai besoin de comprendre, d’apprendre les mots qui me serviront à dire ce que je ressens. Je suis loin de la conception asiatique bien plus poétique (ou lettrée). Alors oui, j’ai sorti mes livres pour définir la couleur des feuilles, de la liqueur, je construis peu à peu ma palette aromatique dont je reparlerais, je note… et puis je laisse car mes perceptions me trahissent.
Que dire de ce Sencha de Tamayura adoré, dégusté comme une friandise, coulant et enrobant ma gorge.
Une liqueur un peu poudreuse en bouche comme de la poudre de cacao, d’épices comme la noix de muscade ou de matcha.
Que dire de ce Tung Ting Shan redécouvert, liqueur presque lactée ou grasse avec une impression de vanille.
Je n’ai pas réussi à prendre ce carnet qui n’en est pas un (page une à une écrite, libre et non attachée aux autres). Il me faudrait sûrement un vrai carnet de dégustation de thés pour cela, avec pourquoi pas ce rigorisme de la prise de note préparée par un formulaire de dégustation (dont je parlais là).
Que dire de ces sensations qui me trahissent… des courgettes paresseuses m’offrent une odeur très miellée en sortant du four avec juste leur « assaisonnement » d’olives noires, farine de riz complette, farine de blé blanche, huile d’olive et estragon (aucun sucre et aucun miel). La recette est là.
Alors j’ai regardé le premier arbre de Noël de mes deux hommes. Le premier du lutin parce que nous n’étions pas prêts à lui offrir la joie de ces fêtes les années précédentes. Le premier de mon monsieur pour des raisons religieuses ou plus précisément d’éducation et de non questionnement sur le bienfondé d’une convention païenne… un sapin décoré.
Je n’ai pas argumenté pour avoir un autre arbre, enraciné ou même symbolique comme je le voulais l’année dernière. Ce fut donc un Normann de 7 ans environ, à l’odeur très discrète…
Et puis, les hommes sortis, j’ai profité du frais de l’air, de ces fenêtres ouvertes en grand, juste avant de remettre le chauffage. La main chaude, le visage au-dessus de cette vapeur odorante et le reste aux prises avec l'air vivifiant.Profité aussi de l’odeur de la neige, presque poudrée. J’ai bu mes thés plus sereinement…. Comme si je comprenais le premier acte de ce qu’est boire un thé :
« J’aime beaucoup l’histoire du maître chinois Zhaozhou (778-897, Joshu en japonais) qui demande à un bonze nouvellement arrivé au monastère : « Etes-vous déjà venu ici ? » Le bonze répondit : « Oui, maître. » Zhaozhou dit alors : « Va boire une tasse de thé ! » quelque temps après, Zhaozhou posa à un autre bonze la même question. Il répondit : « C’est la première fois. » Le maître lui dit alors : « Va boire une tasse de thé ! » Peu après, son assistant lui demande : « Pourquoi dites-vous la même chose aussi bien au bonze qui est déjà venu qu’à celui qui ne l’est pas ? » Zhaozhou regarda son assistant et l’interpella. Lorsqu’il répondit : « Qu’y a-t-il ? », le maître lui dit : « Va boire une tasse de thé ! »
L’expression Kissako est devenue célèbre dans le Zen car dans ce cas précis elle signifie que ces trois-là n’ont pas l’air très éveillés et que le mieux est qu’ils s’en retournent vite sur leur coussin de méditation. Chez nous, l'équivalent pourrait être « retourne sur ton coussin voir si j’y suis ! ». Par cet exemple, on comprend que le thé n’est pas qu’une boisson, une plante médicinale, un rituel ou un passe-temps. C’est aussi une exhortation ! »
(extrait d’un « grain de sel » de maître Taïkan JYOJI dans « Les saveurs du zen, la cuisine végétarienne au temple zen de la falaise verte » écrit avec Françoise DYE)
*source Zhaozhou
Peu éveillée, encore, je vais boire ma tasse de thé. Souvent, avant, je fais 3 minutes (voire 5) de cohérence cardiaque, de cette respiration abdominale qui permet au cœur de retrouver un rythme non-chaotique, où les émotions ont un peu moins de prises. J’en reparlerais mais vous pouvez toujours lire ici et suivre le rythme dans la pratique ici. Il me faudrait 15 jours à raison de 3 fois par jour pour faire mienne cette respiration posée mais je n’ai pas pris ce temps au temps…. 3 semaines à raison d’une à deux fois par jour. Une première approche de la respiration des yogis (et peut-être des bonzes), une première approche pratique de la méditation qui me parait pourtant si difficile dans les mots de Matthieu RICARD.