Nous avons pris trois jours de vacances, le petit d’homme et moi. Nous sommes partis chez une de mes amies, la plus ancienne, cela fait 15 ans que nous le sommes. Une de ces amies que je ne vois que peu (voir une fois tous les 5 ans) mais avec qui je garde une relation privilégiée, comme si nous étions encore au téléphone la veille.
Nous étions près de leur ferme, à elle et son amoureux, près d’Ancenis. Alors en revenant, j’ai bu, juste pour le plaisir de me rappeler le séjour, un thé aux allures tibétaines…
J’ai pris du lait cru et entier de leurs belles vaches, du beurre demi-sel et un thé noir comme il faut (ici un Pu’er compressé de 2006 Shu cha de « Terre de chine »).
J’ai sorti un bol de bois pour que le gras du beurre et du lait se colle à la matière. Pour que l’huile devienne elle aussi une part de l’acte de dégustation. J’ai bu en laissant déborder le liquide sur mes lèvres. Et j’aime.
Autant avec le temps, ma propension a aimé le lait s’est réduite à presque néant, autant ce lait là est savouré. Est-ce les papilles plus en éveil, cette impression aussi d’une offrande de la part de mon amie ? Ce lait d’hiver entier est délicieux. Est-ce aussi parce que maintenant je sais y lire le geste derrière le liquide blanc et opaque. Geste de la machine pour les traites de 7h et 18h, mais aussi les miens, doucement amenés près d’une vache au très bon tempérament et aux pies faciles. Est-ce aussi cette impression de découvrir de manière fugace ces foins secs, séchés par leurs soins, dans les arômes du lait ? J’ai ressorti pour l’occasion mon contenant à crème venant de suisse dont je n’ai jamais su quoi faire et pourtant si beau avec sa marmotte et son edelweiss… et les vache, veau et bœuf du lutin.
Oui, le thé ainsi n’a plus le même goût. Oui j’ai pris un très bon Pu’er pour ce côté étable, terreux. Il a sûrement été un peu malmené par le crémeux, le beurré. Mais quel plaisir au palais ! Un plaisir d’hiver, un plaisir avec le vent sur le visage, les mains froides toutes rapprochées, se réchauffant doucement au bois du bol, une chaleur plus souple, moins agressive, une chaleur plus progressive. Oui le thé n’est que derrière, presque en retour de goût mais quel plaisir d’avoir un très bon lait et un très bon thé.
Bien sûr, depuis notre retour, c’est mon petit-déjeuner ! Un thé « tibétain » et quelque fois c’est un thé noir cingalais qui accompagne le lait et le beurre…:
soit pour deux bols en bois : 1/4 litre d'eau, 1/8 litre de lait entier, 10 grammes de beurre demi-sel, 7 à 8 grammes de thé noir en brique. Faites infuser le thé dans l'eau jusqu'à frémissement, rajoutez le lait et laissez frémir 3 ou 4 minutes. En sortant du feu, incorporez le beurre et fouettez le mélange. Passez le et servez chaud!
C’est impressionnant que ce séjour sans thé m’appelle de dégustations de thé. La terre, riche et grasse, et l’air plein, presque palpable, avaient une odeur de Pu’er. L’étable au loin, quelques bouses sèches au sol (paradoxal avec l'humidité ambiante), de la pluie et de la bruine. Ce n’était pas une odeur animale mais bien de terre.
Mon Pu’er impérial 4 ans d’âge de « La route du thé » fut de sortie. L’odeur du thé est différente, en fait : plus de sellerie et d’écurie. Mais le goût me ramène à la terre, bien riche.