D'autres amendements inacceptables (parce qu'inutiles ou bien mauvais) 1ere Partie
Par Georges Michel, Historien, ancien constituant de 1987
Nous avons dans un précédent article montré que la déclaration de révision publiée dans Le Moniteur du 6 octobre 2009 était nulle et que la 49e Législature avait pour devoir de ne pas tenir compte de ce document invalide, inapte à enclencher régulièrement la procédure d'amendement prévue par la Constitution de 1987, et de passer directement à ses travaux législatifs ordinaires sans amender la Constitution.
Dans cette affaire d'amendement, on s'y est mal pris. Le président Préval avait lancé une réflexion sur la Constitution en 2007 qui n'a jamais été menée sérieusement.
On est rentré plutôt dans un processus de révision qui s'est présenté comme une nébuleuse et qui a abouti au rapport Moïse lequel a été présenté par l'Exécutif au Parlement pour les suites nécessaires le 4 septembre 2009. Ce rapport était un gros travail qui contenait malgré tout des choses dangereuses et antidémocratiques. Il était inacceptable du point de vue politique. Nous l'avons critiqué dans notre texte « Des amendements inacceptables » et il faut rendre un hommage aux parlementaires durant leur session marathon de négociation au Palais national le 14 septembre 2009, d'avoir pu éliminer la plupart des choses antidémocratiques qui se trouvaient dans le rapport Moïse, bien que quelques-unes leur aient malgré tout échappé. Cependant, dans leur précipitation, pressés par le temps, car le délai constitutionnel pour obtenir une déclaration de révision expirait le lundi 14 septembre 2009 à minuit, ils ont voté cette déclaration à la hâte, sans se rendre compte que le document qu'ils votaient était affecté de plusieurs causes de nullité. En substance, les réformateurs du 14 septembre 2009 ont cru qu'en se conformant seulement à deux prescriptions de la Constitution :
1.- voter la déclaration de révision au cours de la dernière session ordinaire de la Législature. (article 282-1),
2.- obtenir pour cette déclaration l'adhésion des 2/3 des membres de chaque
Chambre (article 282-1),
ils pouvaient réellement produire une déclaration de révision valable.
Ces deux conditions sont nécessaires, mais non suffisantes, car il y a d'autres exigences constitutionnelles qui ne sont pas remplies, ainsi que nous l'avons démontré dans notre précédent article « La déclaration de révision est nulle ». Pour amender la Constitution, on ne peut voter n'importe quoi n'importe comment. Il faut se conformer à toutes les prescriptions qui constituent un ensemble très strict. L'article 282 n'a pas été respecté dans sa lettre et dans son esprit.
Le travail de la Commission Moïse qui a siégé pendant quatre mois est absolument insuffisant pour amender la Constitution de 1987. Il est intéressant aussi de noter que les différents « considérants » qui se trouvent dans la déclaration n'ont aucun lien de cause à effet avec les articles dénoncés et avec les amendements proposés. Ces considérants vagues ne peuvent en rien tenir lieu du commentaire justificatif exigé par la Constitution quand l'article 282 dispose « motifs à l'appui ». Ce qu'ils veulent faire est un véritable acte de brigandage politique.
Si on s'y était pris autrement, on aurait pu aboutir. Si on avait d'abord fixé les points essentiels qui devaient être amendés, si on avait ouvert un débat national sur ces points, si on avait discuté au préalable les points à amender avec les parlementaires, on aurait obtenu une déclaration d'amendement conforme à la Constitution et au droit, et qui aurait pu enclencher valablement le processus de révision constitutionnelle. Tout le monde aurait collaboré, et ceux qui crient aujourd'hui à la nullité de la déclaration auraient été justement ceux qui auraient signalé bien avant le vote les risques de nullité pour que les parlementaires puissent faire attention aux causes de nullité et voter une déclaration correcte qui aurait contenu un petit paquet d'amendements sur lesquels on se serait mis d'accord.
Malheureusement, ce n'est pas cela qui est arrivé et on a travaillé en vase clos, en circuit fermé, pratiquement à l'insu des citoyens, dans une sorte de semi-clandestinité dans les circonstances que l'on sait. On a un véritable galimatias, un « bouyi vide ». C'est la conséquence directe de la précipitation dans laquelle on a travaillé. Nous signalerons pour mémoire que l'Assemblée constituante de 1987 a travaillé pendant quatre mois, portes et fenêtres ouvertes, qu'elle était constamment à l'écoute du public et était très attentive dans ses délibérations aux opinions et souhaits des citoyens.
Vive la différence !
Les citoyens ont le droit d'être renseignés sur les raisons d'un amendement constitutionnel à travers le commentaire justificatif que ces messieurs n'ont pas voté. C'est le voeu même de la Constitution.
Que trouve-t-on donc dans le document falsifié du 6 octobre qui a été publié et que nous allons étudier plutôt que dans celui du 14 septembre qui a été voté, parce que moins complet ? Nous insistons encore une fois sur le fait que ces deux documents sont juridiquement nuls. Notre étude n'a qu'un intérêt académique et ne vise qu'à informer le public. Nous écrivons aussi pour l'avenir.
L'article 1 supprime un adjectif à la définition de la République d'Haïti, car le rapport Moïse disait que cet adjectif « coopératiste a été enlevé » parce que non défini.
Nous n'avons pas de problème avec ce changement de rédaction.
La modification de l'article 11 ne pose pas de problème pour nous. Le document du 6 octobre publié a un ajout par rapport au document du 14 septembre voté, concernant la répudiation de la nationalité. Cet alinéa pourrait se trouver dans une loi.
En attendant une modification de l'article 11 de la Constitution, la définition de l'Haïtien de naissance pourrait être mise dans une loi sur la nationalité avec un autre article qui dirait de ces derniers : « Sauf pour les fonctions spécifiquement réservées par la Constitution de 1987 aux Haïtiens d'origine, les Haïtiens de naissance sont juridiquement assimilés aux Haïtiens d'origine ».
Par ailleurs, de l'avis de certains juristes, l'article 13 de notre Code civil a son plein effet avec l'actuelle formulation de l'article 11 de la Constitution.
La suppression des articles 12.1, 12.2, 13, 14 est recommandée par le rapport Moïse qui veut faire passer les questions de nationalité et de naturalisation dans le domaine de la loi. Nous n'avons pas de problème avec cela non plus, car c'était la situation qui existait dans toutes nos Constitutions depuis 1888, où la naturalisation était incidemment mentionnée. La seule chose que l'on retrouve constamment dans ces Constitutions, c'est le délai pour que ces étrangers naturalisés puissent jouir de leurs droits politiques attachés à leur nouvelle nationalité. Ce délai était de un an en 1888 (art.10, 2e alinéa) de cinq ans de 1889 à 1932, de 10 ans à partir de 1935 jusqu'à 1983. La Constitution de 1987 octroiera aux étrangers le droit de vote immédiatement et leur donnera le reste des droits politiques cinq ans après leur naturalisation.
Notons que dans toutes les Constitutions haïtiennes à partir de 1843, l'étranger naturalisé était éligible à toutes les fonctions électives (moyennant un délai variable) sauf celle de Président de la République, et ceci jusqu'à la Constitution de 1946, où il ne pouvait plus être ni Ministre, ni Sénateur, ni Député. Ces fonctions seront de nouveaux ouvertes aux étrangers naturalisés par la Constitution de 1950 pour leur être à nouveau fermées à partir de la Constitution de 1983, à l'exception bien entendu de celle de Maire ou de membre d'une administration communale. C'est ce qui a été repris par la Constitution de 1987.
Ce n'est qu'à partir de 1957 qu'on aura dans la Constitution un titre particulier consacré aux étrangers.
L'article 12 se lit désormais comme suit :
« Tout Haïtien est soumis à l'ensemble de droits et obligations attachés à sa nationalité haïtienne. Aucun Haïtien ne peut, à l'endroit des autorités haïtiennes, faire prévaloir sa nationalité étrangère sur le territoire de la République d'Haïti. » Cet article se trouve textuellement dans le texte de la déclaration de révision qui a été votée sans discussion le 14 septembre 2009 et qui est une précaution salutaire pour le cas où le législateur haïtien s'apprêterait à organiser juridiquement le cumul de nationalités. Cette déclaration du 14 septembre 2009 reste logique avec elle-même quand elle ne supprime pas l'article 15 de la Constitution qui interdit la double nationalité.
La déclaration publiée le 6 octobre qui est un document différent du premier supprime l'article 15, et semble donc choisir la double nationalité, auquel cas on ne peut pas empêcher l'individu de se prévaloir de son autre nationalité en Haïti. Pourquoi pas, puisqu'on reconnaît l'autre nationalité ? En droit, on ne peut pas faire une chose et son contraire. L'alinéa précédent a été voté en fonction du maintien de l'article 15 pour le cumul, non en fonction de son abrogation. Il semble y avoir ici une contradiction qu'il faudrait clarifier.
Nous répétons que dans l'état actuel du texte de la Constitution de 1987 en fonction des articles 10 et 15 de cette Constitution, ce dont nous avons réellement besoin, c'est d'une bonne loi moderne et intelligente sur la nationalité haïtienne, devant remplacer l'ancienne loi devenue obsolète. Depuis la loi Voltaire de 2003 concernant les « Haïtiens qui ont une autre nationalité », on s'orientait déjà vers l'acceptation du cumul de nationalités, qui répétons- le, n'est pas interdit par la Constitution de 1987, mais la nouvelle loi sur la nationalité haïtienne qui devait venir entre autres choses organiser et gérer ce cumul n'a jamais suivi.
En ce qui concerne la perte de la nationalité intervenue par naturalisation dans un pays étranger d'un Haïtien, le législateur peut aider cet Haïtien à conserver malgré tout sa nationalité par un artifice juridique qui demanderait à ce naturalisé de notifier aux autorités haïtiennes compétentes qu'il s'est naturalisé dans tel pays afin de les informer de la nouvelle situation.
On peut lui demander de faire accompagner sa notification d'une copie certifiée de son certificat de naturalisation. Tant qu'il ne se sera pas soumis à cette formalité, l'État haïtien continuera d'ignorer officiellement la perte de la nationalité et l'intéressé pourra continuellement jouir des avantages du cumul de nationalités, car en cette matière, la cause du cumul importe peu pour l'État qui n'a pas à se préoccuper de la provenance de cette autre nationalité : que ce soit par filiation par un parent étranger, par naissance dans un pays de jus soli, par mariage, par engagement dans des forces armées étrangères etc ...
L'État haïtien ne reconnaît pas la double nationalité pour la bonne raison qu'il l'ignore (article 15).
Rien n'empêche incidemment en vertu de l'article 10 de la Constitution à l'État haïtien d'accorder, comme c'est le cas partout en Amérique, le jus soli, c'est-à-dire la nationalité haïtienne automatique à des individus nés sur son sol de parents étrangers. La loi haïtienne le fait déjà pour les enfants nés de parents inconnus ou apatrides en fonction des accords internationaux que nous avons signés et ratifiés (cf Convention de San José).
Pourquoi supprimer l'article 16-1 ?
L'article 17.1 proposé qui prévoit un quota de 30 % pour les femmes peut figurer dans une loi.
L'article 29.1 supprimé est fusionné avec l'article 127.
L'article 18 est rendu nécessaire par l'introduction de la notion d'Haïtien de naissance.
L'article 31.1.1 qui réserve un quota de 30 % pour les femmes peut aussi figurer dans une loi sur les partis politiques.
L'article 32 proposé concerne un changement de rédaction et un mariage avec l'article 33.
Dans leur précipitation, les auteurs du texte du 6 octobre ont oublié de supprimer l'article 33 qui non seulement fait désormais double emploi, mais constitue une répétition. Ils devraient laisser les articles 32 et 33 tranquilles.
L'article 32-1 proposé est inchangé par rapport au texte de la Constitution de 1987 qu'il est censé remplacer, mais il figure quand même dans la proposition de révision.
L'article 32-3 proposé subit un léger changement de rédaction.
L'article 33-4 proposé met la formation préscolaire et maternelle à la charge de l'État et des Collectivités territoriales. Rien qu'une simple loi n'aurait pu faire.
L'article 32-6 proposé subit un changement de rédaction en supprimant toute référence au mérite pour l'accès à l'Enseignement supérieur. Ici on peut être amené à se poser des questions sur les intentions des réformateurs.
L'article 32-8 proposé dit la même chose, avec un changement de rédaction.
L'article 63 proposé qui ne figure pas dans le texte voté le 14 septembre, mais qui figure dans le texte publié le 6 octobre, article qui n'a jamais été voté donc, met le mandat des dirigeants des Casecs à 5 ans. Un pareil changement ne peut intervenir que si l'article a été régulièrement dénoncé par un vote des 2 Chambres du Parlement (article 282-1 de la Constitution). Or, ce n'est pas le cas.
L'article 68 proposé qui ne figure pas dans le texte voté le 14 septembre mais dans le texte publié le 6 octobre, porte le mandat du Conseil municipal à 5 ans (même cas que pour l'article 63).
L'article 74 proposé subit un changement de rédaction pour éliminer l'intervention de l'Assemblée municipale.
L'article 78 proposé qui ne figure pas dans le document voté mais qui figure dans le document publié le 6 octobre augmente le mandat des dirigeants du Conseil Départemental à 5 ans. Même chose pour les articles 63 et 68 proposés.
L'article 87.2 proposé combine les articles 87.2 et 87.3 relatifs au Conseil Interdépartemental avec un changement de rédaction mais qui ôte à ce conseil la voix délibérative quand il assiste au Conseil des Ministres.
Le document publié le 6 octobre propose la suppression de l'article 87-3 combiné désormais avec l'article 87-2.
L'article 87-5 proposé subit un changement de rédaction.
L'article 90 proposé se lit comme suit selon le document du 6 octobre :
« Le territoire de la République d'Haïti est divisé en circonscriptions électorales dont la délimitation est basée sur le poids démographique des communautés.
Chaque circonscription électorale élit un député.» Cette nouvelle formule peut poser des problèmes, attendu que l'idéal poursuivi par les Constituants de 1987 était d'un député par Commune. Seules des raisons financières nous ont empêché de le faire. Parfois deux Communes partagent le même député, exceptionnellement trois. Cette nouvelle formulation peut ouvrir la voie à des manipulations de circonscriptions appelées gerrymandering, encore inconnues chez nous. C'est le critère démographique que l'occupant américain avait utilisé à partir de 1917 pour réduire le nombre des députés de 101 à 36. Le député est un personnage important dans une Commune. Cet article 90 proposé est trop élastique pour être acceptable.
L'article 90 bis proposé est la suite logique du précédent. Il ne mérite aucun commentaire particulier.
L'article 90.1 proposé porte le mandat du député à cinq (5) ans.
L'article 90.2 proposé ajouté ouvre la porte à toutes les magouilles et fraudes électorales - Inacceptable !
L'article 91 proposé subit un changement de rédaction pour remplacer l'Haïtien d'origine par l'Haïtien de naissance, afin de suivre la logique du nouvel article 11 proposé.
L'article 92 proposé porte le mandat des députés à cinq ans.
L'article 92.1 subit un changement de rédaction pour aménager le début et la fin du mandat des députés. Rien qui ne pourrait être réglé par une loi, si l'on se base sur le fait que les aménagements dans le sens d'un raccourcissement de mandat sont admis, non les aménagements dans le sens d'une prolongation de mandat.
L'article 92-3 proposé prolonge le mandat des députés à 5 ans.
Les articles 94.4, 94.5 et 94. 6 donne de nouvelles modalités pour le calcul des voix des sénateurs. Porte ouverte aux magouilles électorales qui auraient de beaux jours devant elles.
L'article 95 proposé parle du commencement et de la fin du mandat des sénateurs.
L'article 95.3 de la Constitution qui prévoit le renouvellement du Sénat par tiers tous les deux ans est supprimé.
L'article 96 proposé subit un changement de rédaction pour accommoder la nouvelle notion d'Haïtien de naissance.
L'article 93-3 proposé concernant les attributions de l'Assemblée Nationale subit un changement de rédaction pour accommoder deux nouvelles dispositions. Ce sera à l'Assemblée Nationale désormais d'approuver ou de rejeter la déclaration de politique générale du Premier Ministre.
Elle reçoit des attributions également concernant l'état d'urgence.
Les articles 111- 5, 111- 6 et 111- 7 concernant la Commission de Conciliation sont supprimés en raison de la création du Conseil Constitutionnel.
L'article 119-1 proposé ajouté concerne les projets de loi votés en urgence. Le texte voté par le Parlement le 14 septembre dit que de pareils projets de loi seraient votés chapitre par chapitre. Le texte publié le 6 octobre dans Le Moniteur dit qu'ils seront votés article par article, toute affaire cessante, ce qui nous semble plus conforme à la logique, à l'esprit démocratique et à la ligne suivie par toutes nos Constitutions depuis celles de 1843.
L'article 127 proposé concerne les pétitions adressées au Corps Législatif. Il combine l'ancien article 127 et l'article 29-1 supprimé.
L'article 129-3 proposé demande que ce soit le quart (1/4) d'une Chambre qui appuie une demande d'interpellation, non plus 5 parlementaires membres de cette Chambre.
L'article 129-6 proposé apporte deux innovations.
1) Un Premier Ministre ayant reçu un vote de confiance ne peut être interpelé avant un an.
2) L'échec d'une motion de censure équivaut à un vote de confiance. C'est quelque chose qui avait déjà été admis par notre pratique constitutionnelle.
L'article 134 proposé subit un changement de rédaction qui aurait pu être réalisé par la loi électorale.
L'article 134 proposé ajouté se lit donc comme suit :
« A l'occasion des élections, le candidat à la Présidence le plus favorisé au premier tour n'ayant pas obtenu la majorité absolue est déclaré vainqueur dans le cas où son avance par rapport à son poursuivant immédiat est égale ou supérieure à vingt-cinq pour cent (25 %).» C'est encore la porte ouverte aux magouilles. Il ne sera plus utile avec un pareil article d'aller se baigner dans la piscine de l'hôtel Montana pour faire avancer la cause de son candidat. Pourtant, en Afghanistan, le président sortant Hamid Karzaï qui a obtenu plus de 48 % des suffrages sera quand même soumis à un second tour face à son rival aux présidentielles Abdullah Abdullah. Il aurait dû envoyer ses partisans se baigner plutôt dans la piscine d'un grand hôtel de Kaboul, cela aurait peut-être convaincu ses protecteurs internationaux. Il s'est retrouvé seul candidat à ce second tour après le retrait de M. Abdullah.
L'article 134 proposé fixe le mandat présidentiel à 5 ans. (Rien de nouveau.)
L'article 134-2 se lit désormais comme suit :
« L'élection présidentielle a lieu à la fin de la cinquième année du mandat présidentiel. Le Président élu entre en fonction le 7 février suivant la date de son élection. Au cas où le scrutin ne peut avoir lieu avant le 7 février, le Président élu entre en fonction immédiatement après la validation du scrutin et son mandat est censé avoir commencé le 7 février de l'année de l'élection.»
Cette disposition est louable. Cependant, rien n'empêche de l'inclure dans une loi, avant qu'un amendement constitutionnel puisse être obtenu régulièrement en respectant le prescrit de la Constitution.
L'article 135 proposé subit un changement de rédaction pour accommoder la nouvelle notion d'Haïtien de naissance devant remplacer celle d'Haïtien d'origine.
L'article 137 consacre le copinage et laisse les mains virtuellement libres au Président de la République. En effet, le 2e alinéa de cet article qui disposait :
« Dans les deux (2) cas le choix doit être ratifié par le Parlement » est purement et simplement supprimé, ce qui revient à dire que le Parlement n'aura plus son mot à dire dans le choix du Premier Ministre, qui pourrait être désormais dans tous les cas un super-copain du Président de la République.
Les Constituants de 1987 n'ont pas voulu un pareil copinage qui est nuisible au fonctionnement d'une démocratie véritable. Naturellement, la suppression de cet alinéa est inacceptable.
L'article 141 subit un changement pour s'accommoder du nouveau nom de l'armée nationale qui reprend son nom de 1947 d'Armée d'Haïti en lieu et place de Forces Armées d'Haïti.
L'Article 149 subit des modifications profondes. Le Président de la Cour de Cassation (ou les juges de cette Cour par ordre d'ancienneté) n'occupera plus la Présidence Provisoire de la République. C'est une modification très grave.
Cet article avait été voulu par les Constituants de 1950 pour assurer la continuité de l'État avec un personnage politiquement neutre et il fournit aussi une réserve, une pépinière de présidents provisoires de la République. Cet article barre la route aux ambitions personnelles des uns et des autres qui peuvent profiter de toute période de vacance présidentielle pour penser pouvoir installer leur propre gouvernement provisoire au timon de l'État. Ceci peut immanquablement aboutir à une cascade de gouvernements provisoires aussi illégitimes les uns que les autres, aussi boîteux les uns que les autres et aussi dangereux pour le pays les uns que les autres, comme cela a été exactement le cas après le 2 février 1957 qui a marqué le départ du pouvoir du président provisoire constitutionnel Joseph Nemours Pierre-Louis, quand les politiciens d'alors, avec la passivité du général Léon Cantave, ont déclaré l'article 81 de la Constitution de 1950 « épuisé » et ont jeté le pays dans l'aventure politique en installant un président provisoire de leur cru en la personne de Franck Sylvain, avec ensuite le Collégial, la tragique journée du 25 mai 1957, les 19 jours du Président Daniel Fignolé, le pouvoir sanglant et brutal du général Antonio Th. Kébreau qui remit l'appareil de l'État à Duvalier et à ses acolytes à la faveur de la mascarade électorale du 22 septembre 1957.
Cet article 81 de 1950, précisé et complété par les Constituants de 1987 avec l'article 149, est issu d'une expérience qui eut lieu en Allemagne en 1925 quand le Président de la Cour de Cassation allemande le juge Walter Simmons devint président provisoire de la République de Weimar, de la mort du Président Ebert en février à la prise de fonction en mai de son successeur élu au suffrage universel direct, le vieux maréchal Paul von Hindenburg. Beaucoup des Constituants de 1950 étaient des juristes haïtiens de l'ancienne génération, pétris de culture allemande et connaissant bien le droit allemand : Dantès Bellegarde (président de la Constituante), Joseph Renaud, François Mathon, Victor Duncan, Emmanuel Leconte (ce dernier petit-fils du Sénateur Joseph Poujol, Constituant de 1867 et neveu du grand juriste Alexandre Poujol fils de Joseph)... Cette même solution avait été aussi retenue plus près de nous par la Constitution cubaine depuis le début du XXe siècle. C'est ainsi qu'au renversement de Batista le 1er janvier 1959, le juge Manuel Urrutia devint président de Cuba, avant que Fidel Castro ne le remplace en juillet 1959 par une de ses créatures Oswaldo Dorticos.
Nous pensons que si l'expérience n'avait pas eu lieu en Allemagne, les Constituants de 1950 ne l'auraient pas retenue.
A suivre
Dr Georges Michel
Ancien Constituant de 1987Yon gwo AYIBOBO pou ou men m zanmi m ki vizite lakou sa pou pwan nouvèl zanmi lakay ak lòt bò dlo.