Magazine Journal intime

Vilaine pas belle !

Publié le 07 janvier 2010 par Anaïs Valente

Pas plus tard que l'autre jour, je rentrais chez moi dans le froid et le verglas, qui vont généralement de pair (j'avais mis « pair », pour changer en « paire », qui me semblait plus logique, mais finalement c'est « pair », pas logique hein ?), pas de bol.

Le bus m'avait déposé à cent lieues de chez moi, et je marchais d'un pas rapide pour éviter que ma circulation sanguine se gèle et que mes orteils ne tombent (passque je vis dans le Nooord, hein, comme l'a si bien dit trucmachin dont j'ai oublié le nom, ex-gendarme de Saint-Tropez, dans les Chti's).

J'écoutais en même temps l'opéra rock Mozart, ma passion du moment (d'ailleurs je vais les voir le 1er mai, yahoooooooooooooooooou). 

Soudain, devant moi, un obstacle : une dame relativement âgée qui marche à petits pas.  Bisque bisque rage, je veux dépasser.  Par la gauche, légalement, c'est impossible, y'a les vitrines de magasins pleines d'articles en soldes.  Par la droite, impossible aussi, y'a encore tous ces sapins non décorés qui rétrécissent le trottoir.  Je tente tout de même, pensant passer de justesse entre ladite dame et un de ces sapins.  Il me reste un quart de seconde pour y arriver, mais vu que le sol est glissant et que je marche comme un vieux phoque en fin de vie, espérant ne pas tomber ridiculement devant les centaines de passants qui passent, mon dépassement (dépassage ?) échoue lamentablement.

Dans l'action, j'ai frôlé la dame âgée, qui me murmure un pardon (c'est plutôt à moi de le dire, d'ailleurs) et s'efface un tantinet, me laissant passer.

Hourra, mon dépassement (dépassage ?) est finalement une réussite.

Je continue ma route et suis presque immédiatement bloquée par un feu rouge.  Les feux sont toujours rouges quand on veut traverser, ça s'appelle la loi de la vexation.  Je m'arrête, et suis, bien sûr, rejointe par la vieille dame.  J'ai honte, car je sais que j'ai pas été cool, pensant plus à ma petite personne pressée qu'à quiconque.  Vilaine pas belle Anaïs.

Pendant que jesaispasqui me hurle l'assasymphonie dans les oreilles, je sens une pression sur mon bras et j'entends un « Madame ? »

Je me retourne et vois la dame âgée (toujours la même) me dire quelque chose.  Vu qu'elle ne crie pas plus fort que « jesaispasqui » (le chanteur dont question ci-avant), j'enlève mes écouteurs, lesquels sont enfoncés dans mes pavillons jusqu'au cérumen (tiens, je vous parlerais bien de mes problèmes d'oreille, tant que j'y pense), et je lui dis « pardon ? »  Oui, j'ai été bien élevée moi, ma bonne Dame, je dis « pardon » et pas « quoi » ou « hein », je le jure devant Dieu et ses amis les saints. 

Et elle de me répondre : « Madame, je pourrais vous donner le bras pour traverser, je sors d'une opération, avec des vis dans la hanche et toutes sortes de trucs barbares qu'on m'a faits (là j'extrapole, car j'ai pas bien saisi les tenants et aboutissants de son hospitalisation).  Je vis seule et je viens d'arriver dans le quartier, je ne m'y retrouve pas.  Longer les murs ça va, mais traverser je ne suis pas encore à l'aise ».

Et là, je réalise à quel point vraiment, mais vraiment de vraiment, j'ai été vilaine pas belle de vouloir dépasser égoïstement, impatiemment, inutilement.

Je tends le bras à la dame, nous traversons ensemble en papotant de la boucherie qu'elle recherche désespérément.

Durant une fraction de seconde, je me dis que cette dame, ce pourrait être moi dans soixante ans (oui, bon, dans trente ans, d'accord...).  Moi, seule, sur un trottoir verglacé, titubant après une lourde opération, à la recherche de quelque chose à grignoter, tel un phoque en plein hiver lors d'une pénurie de poissons due à la fonte des glaces, elle-même due au réchauffement climatique, lui-même dû à tous ces gaz à effets de serre que j'émets, vilaine pas belle Anaïs que je suis.

Bonne résolution de ce 7 janvier : arrêter d'être vilaine et être attentive aux petits vieux et petites vieilles qui cherchent des boucheries dans mon quartier.



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