Rien n'est écrit, pourtant tout se transmet...
Vous souhaitez faire parti de notre organisation et vous venez d’être diplômé ou vous êtes encore en formation. Peu importe, vous devez savoir où vous mettez les pieds: Ici, c’est la mafia. Terminé le temps des querelles des bacs à sable et des gommettes. Bienvenue chez les grands, bienvenue dans La famille, bienvenue chez les infirmiers.
Le plus difficile, comme dans tous les clans, ce n’est pas d’y entrer mais plutôt d’y survivre. Il faut s’intégrer et faire sa place. Qu’on vous reconnaisse pour ce que vous êtes. On attend donc de vous que vous fassiez vos preuves. Vous ne devrez jamais oublier que votre espérance de vie est de 3ans et que tout peut basculer du jour au lendemain, dans un claquement de doigts! Si vous voulez perdurer parmi nous, je dois vous dire qu’il y a des règles immuables à respecter. Elles ne sont marquées nulle part mais se transmettent de collègue à collègue depuis des centaines d’années.
Imaginons maintenant que vous arrivez tout fraîchement, dans Notre famille. Si vous lisez bien ce qui va suivre, vous devriez vous en sortir… vivante, sinon c’est que vous avez sauté des lignes!
Quand on débarque dans un service, on se présente. Ça peut paraître anodin mais ne pas le faire c’est forcément commencer par s’attirer les foudres « des anciens » qui finiront par dire dans votre dos: C’est qui celle-là pour arriver comme ça en terrain conquis?! Alors entre nous, il vaut mieux dire bonjour et donner son prénom. Ça évitera bien des malentendus.
Ensuite la relève va commencer et vous vous asseyez dans un coin, sur une chaise avec un dossier et des roulettes à peu près potables. Deuxième erreur. Cette chaise est la meilleure de l’infirmerie et on vous foudroie déjà du regard pour y avoir posé vos fesses de profane. D’ailleurs, on vient de vous faire gentiment remarquer, avec un sourire carnassier, que l’infirmière en face de vous, est plus âgée et à mal au dos donc vous pourriez la lui laisser. Des fois même, on vous informera que les chaises sont marquées avec les noms dessous. Comme ça plus d’ambiguïté ni de malentendus. Vous vous apprêtez à prendre la relève debout mais on vous propose de s’asseoir à deux sur une chaise. Si, si, 2 sur une chaise, ça arrive… Profitez de la proposition pour oser un rapprochement et discuter.
Le moment est maintenant venu de prendre votre secteur. Attendez qu’on vous le donne. Ne commencez pas à dire: Je vais prendre celui-là car même s’il s’agit du plus lourd, on vous reprochera toujours d’avoir moins de pansements ou plus de sorties. Ne me demandez pas pourquoi, c’est comme ça! Je l’ai déjà dit, ce sont des règles ancestrales. Elles ne se contestent pas sinon c’est à vos dépends.
Bien! Si vous avez tout bien suivi ce que j’ai écrit, l’infirmière la plus ancienne du service (et donc la plus influente, menaçante, caractérielle et intransigeante…) vous invite à boire le café avant de commencer. Ne voyez pas là une marque de sympathie. Non, pas encore. La plupart du temps, elle va vous laisser passer devant et vous arriverez la première (ou presque) dans la salle de repos, en faisant bien attention de tenir la porte à la vieille l’ancienne qui vous succède. Là, vous vous apercevez que tout le monde s’assoie sur sa chaise et que vous n’en avez pas. Pas grave, on vous demande justement de faire le café et/ou de l’apporter. Puis, à y être, si vous pouviez amener le sucre, le pain, le beurre, les serviettes, la confiture, les petites cuillères, ça serait sympa. Patience. Elles finiront par vous dire de vous asseoir mais rappelez-vous, vous n’avez pas de chaise… Vous allez donc en chercher une à l’infirmerie, mais pas celle avec les roulettes car vous n’avez pas envie que cela passe pour de la provocation. Vous trouvez un tabouret et vous revenez mais il n’y a plus de café et de toute façon, tout le monde s’est déjà relevé et s’apprête à aller faire le tour… Malgré tout, vous arrivez à vous servir un fond de café froid. C’est bien, mais vous n’avez pas vu que tout le monde à posé sa tasse et ses couverts dans l’évier. Ah?! On ne vous avez pas prévenu?! La dernière se propose toujours de faire la vaisselle de tout le monde. C’est comme ça et il va falloir vous y habituer parce que vous allez vous proposer toute la semaine.
Voilà pour les quelques premières minutes. Vous pouvez maintenant vous élancer de vos propres ailes et attaquer votre tour avec votre chariot cassé et un thermomètre qui prend une température sur quatre. Certes, le premier jour n’est pas folichon, mais soyez optimiste, serrez les fesses, respirez, votre voiture n’a pas encore explosée et vos pneus ne sont pas à plat.
N’oubliez quand même pas de rejoindre la plus ancienne à la fin de votre tour pour l’aider, et autant vous dire de suite qu’il est dans votre intérêt de finir dans les premières…