Subordonné, l'enfant l'est, et pas toujours discipliné par de convenables parents. Là, je parle d'user avec excès de son autorité -monarchie souvent paternelle- sur un marmot afin de le tyraniser. Souvent, dépasser les bornes et y aller un peu fort sur la répression; outrepasser ses droits parentaux pour parvenir à ses fins. L'enfance envisagé de la sorte doit être insupportable, la seule pensée est de grandir vite pour ne plus être sous une emprise frénétique; pour décamper au galop de cette incarcération qui fut interminable. Renoncer à l'enfance trop tôt pour multiplier ses chances de survie.
L'angoisse est la plus pénible des émotions que j'ai pu éprouver. Avoir peur de la damnation qui allait m'être attribuée parce que j'avais oublié de replacer une pinte de lait dans le frigo, ressentir l'effroi de ne pas avoir essuyé une assiette impeccablement, pressentir la terreur parce que le car scolaire avait été retardé de quelques minutes et que mon père n'allait pas me croire lorsque je lui expliquerais que j'avais été nulle part ailleurs que dans le bus. Passer par le frissonnement et le tourment simplement pour cause d'avoir parler la première, d'avoir posé un regard dans sa direction; avoir sans relâche crainte de ce père, de ses réactions inattendues, de son regard sibérien, de son affabilité de temps à autre lorsqu'il semblait dans ses bons jours qui étaient si peu nombreux.
Chaque soir, penser au lendemain, avec inquiétude de ne plus repérer le soleil s'infiltrer dans ma lucarne; avoir peur que mes jours deviennent plus obscurs que mes nuits; dans la pénombre, cogiter à un heureux présent à supposer de ne plus vivre dans l'affolement : quel aurait été mon aléa si j'avais été issue d'un autre bercail?